Aurélie Mulowa, une jeune et pétillante bruxelloise, est à l’origine de BELGIAN ENTREPRENOIRES,…

une plateforme qui vise à soutenir les femmes noires entrepreneures en Belgique. Son but avec cette initiative est de permettre aux femmes entrepreneures de s’exprimer et de contribuer à créer un monde entrepreneurial plus inclusif.

Aurélie Mulowa, vous êtes la fondatrice de la plateforme Belgian Entreprenoires. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Aurélie Mulowa, j’ai 32 ans et je suis née et ai grandi à Bruxelles. En 2020, j’ai lancé la plateforme Belgian Entreprenoires après avoir obtenu mon diplôme à l’IHECS (école de communication et de journalisme) et travaillé dans un incubateur pour jeunes entrepreneurs à l’ICHEC Brussels Management School. En constatant le manque de diversité dans l’écosystème entrepreneurial, j’ai décidé d’adopter une approche intersectionnelle, mettant en avant les femmes noires entrepreneures. Cette idée a été renforcée pendant le confinement, où nous avons cité de nombreuses entrepreneures noires en Belgique lors d’un live. Cela m’a poussée à créer un compte Instagram, qui est devenu Belgian Entreprenoires, encourageant le soutien financier aux femmes et aux communautés noires.

En quoi consiste votre travail ? Quel type d’accompagnement proposez-vous aux entrepreneures ?

La première partie de Belgian Entreprenoires se concentre sur la promotion des femmes noires entrepreneures. Pour cela, j’ai mis en place divers formats, notamment des conférences et des ateliers animés exclusivement par ces femmes, couvrant des sujets variés. Nous envoyons également une newsletter mensuelle et organisons des marchés et des journées de rencontre. De plus, notre site internet sert de marketplace pour leurs produits.

La deuxième partie concerne l’accompagnement entrepreneurial, avec des formats tels que le bootcamp, le boost class et les brunchs. Le bootcamp propose une semaine d’ateliers sur les compétences entrepreneuriales, tandis que le boost class est un programme numérique de trois mois incluant des sessions en ligne, du mentorat et du réseautage. Les brunchs Entreprenoires fournissent des informations sur l’écosystème entrepreneurial, et nous envisageons de favoriser le réseautage international des entrepreneures pour élargir leurs horizons.

D’après moi, il semble qu’il existe de nombreuses initiatives visant à soutenir les femmes entrepreneures à Bruxelles. Cependant, je m’interroge sur la situation des hommes noirs dans ce contexte. En observant certains secteurs comme la communication, les médias ou le marketing, on constate souvent que les femmes d’origine africaine, y compris les maghrébines, ont plus d’opportunités d’emploi que les hommes africains ou arabes.

Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que c’est statistiquement prouvé ?

Je n’ai pas de données statistiques pour confirmer cela, mais c’est une impression personnelle que j’ai. Lors de mes discussions avec certaines femmes engagées, notamment en France, elles partagent également ce constat. Elles reconnaissent bénéficier d’un certain privilège en tant que femmes, car elles seraient perçues comme moins intimidantes que les hommes noirs et/ou arabes dans certains contextes professionnels (critique décoloniale du progressisme, NDLR).

Alors, il est crucial de ne pas oublier que, en tant que femmes, nous pouvons parfois être confrontées à un plafond de verre limitant nos opportunités professionnelles. Personnellement, je refuse de me conformer à des idées figées. Je m’interroge sur l’égalité salariale et professionnelle, ainsi que sur l’impact du sexisme dans le milieu professionnel. Je constate que les femmes noires sont souvent sous-représentées dans les conférences et les discussions professionnelles, ce qui m’a poussée à me concentrer sur les problématiques spécifiques aux femmes qui me ressemblent.

Je souhaite aborder des sujets tels que la charge mentale des femmes entrepreneures qui jonglent entre carrière et famille. Nous réfléchissons à des solutions telles que des garderies et des formations pour les soutenir. De plus, nous travaillons à renforcer le leadership des femmes et à combattre les préjugés sexistes dans le milieu professionnel.

Des sujets techniques comme l’impact du cycle menstruel sur l’organisation du travail sont également importants. Je prévois d’organiser des ateliers pour sensibiliser à ces questions souvent considérées comme féminines mais rarement abordées. Pour moi, être précise sur ces sujets de niche est essentiel pour être efficace dans notre lutte pour l’égalité des sexes.

Si quelqu’un avance des discours universalistes, affirmant qu’il faut aider tout le monde sans cibler un groupe spécifique, que répondez-vous à cela ?

Ce que je peux affirmer, c’est que notre planète est une mosaïque de diversité, chaque individu a ses propres expériences uniques. Ma propre relation avec ma mère, qui a su adapter son approche à chacun de ses enfants, témoigne de cette diversité. Reconnaître cette diversité, c’est comprendre la richesse des différences de chacun, avec ses forces et ses faiblesses.

Penser que tout est équitable pour tous est une grave erreur à mon avis. Cela ignore les réalités diverses et promeut une vision uniforme de la société, ce qui est dommageable. Devrions-nous vraiment tendre vers l’uniformité ou célébrer nos différences ? Personnellement, quand il s’agit de questions de non-mixité, je vois cela comme une forme d’universalisme. On me demande souvent pourquoi nous choisissons de nous réunir entre femmes, voire entre femmes noires. Je le compare à un groupe comme les Alcooliques Anonymes : si vous n’êtes pas alcoolique, vous ne demanderez pas pourquoi ils se réunissent entre anciens alcooliques. Nous cherchons simplement à nous concentrer sur des questions qui nous concernent avant de nous ouvrir au monde extérieur.

Nous ne cherchons pas à exclure indéfiniment, mais à créer un espace spécifique pour discuter des sujets qui nous touchent. Aujourd’hui, nous organisons un marché où tout le monde est le bienvenu pour échanger avec nous. Nous ne sommes pas fermés, mais nous cherchons à travailler de manière spécifique pour mieux nous comprendre avant de rejoindre la société dans son ensemble. Pour moi, cette démarche est tout à fait légitime.

Quels sont les projets à court et moyen terme pour l’année 2024 pour Entreprenoires ?

Ma principale préoccupation concerne nos projets à venir. Nous prévoyons de réorganiser un bootcamp et un boost class. Toutefois, je souhaite davantage me concentrer sur l’accompagnement en termes de formation, en limitant peut-être un peu nos événements. Bien que les marchés et autres événements soient intéressants, je crois fermement en la création d’un réseau solide et en une communauté bien formée pour renforcer la confiance en soi et les compétences des entrepreneurs. J’apprécie particulièrement d’écouter les entrepreneurs, de les voir progresser et de répondre à leurs besoins. Nous travaillons également sur des projets concrets, comme l’organisation d’un brunch d’été axé sur l’import-export et le développement international. Nous nous efforçons également de trouver un espace physique pour établir une véritable communauté, avec du matériel à mutualiser. Mon amie Leslie m’apporte une aide précieuse dans cette démarche. En somme, nos principaux projets sont de renforcer notre offre de formation, de trouver un lieu physique pour la communauté, et de développer nos connexions internationales.

Donc, vous fournissez de l’accompagnement aux femmes entrepreneures, en les aidant et en les formant dans leurs projets, en plus d’organiser divers événements. Cela fait 4 ans que vous vous consacrez à cette initiative à temps plein, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai bénéficié de subventions. Je pense avoir bien justifié la raison d’être d’Entreprenoires. Mais je crois aussi qu’elle se justifie d’elle-même. J’ai simplement donné une voix à des besoins. Belgian Entrepreneures a débuté en 2020 sur les réseaux sociaux. C’était simplement un compte Instagram. Honnêtement, jamais je n’aurais pu imaginer en 2020 que cela évoluerait comme ça l’a fait. Que j’allais finir par y travailler à temps plein. Vraiment, lorsque cela a commencé à prendre de l’ampleur, je me suis demandé « mais qu’est-ce qui se passe encore ici ?! ».

Je consacre tout mon temps à cette initiative. Dès le lancement de notre compte Instagram, il était clair qu’il y avait un réel besoin à combler : celui de donner une voix aux femmes entrepreneures et de diversifier les récits et les marques présentes sur le marché. Cependant, obtenir des financements n’a pas été facile. Nous avons essuyé de nombreux refus avant de réussir à faire entendre notre message aux décideurs politiques.

L’une des principales barrières rencontrées est la perception erronée selon laquelle soutenir spécifiquement les personnes noires serait injustifié. Mais le racisme et le sexisme vont bien au-delà des préjugés et se manifestent dans un manque d’opportunités et de soutien financier. Il est essentiel de sensibiliser sur ces questions pour promouvoir une véritable égalité des chances.

Les femmes, en particulier, sont confrontées à des préjugés et à des obstacles dans le domaine financier, malgré leurs compétences et leur capacité de remboursement prouvées. Combattre ces stéréotypes et renforcer leur légitimité face aux institutions financières est un défi majeur.

Les micro-agressions sexistes et racistes sont également un problème fréquent, mais souvent négligé. Il est crucial de les reconnaître et de les combattre pour permettre aux femmes de reprendre le contrôle de leur narration et de leur posture, et de dialoguer sur un pied d’égalité. Des formations sont nécessaires pour sensibiliser à ces questions et encourager le changement.