Djamilatou Siby: « la cuisine est pour moi une véritable passion»
Après une carrière dans la banque, Djamilatou Siby s’est lancée dans la restauration et a ouvert Le Tropikal Buffet au cœur de l’ACI 2000, le quartier d’affaires de la capitale malienne. Une bonne table devenue le rendez-vous de tous les banquiers et hommes d’affaires de la place. Rencontre avec une femme au parcours original qui invite ouvertement toutes les Africaines à « travailler pour être indépendantes ! ».
Interview exclusive pour « Divas Magazine ». Photo de couverture : © El Bougary Diakité
Propos recueillis par notre envoyé spécial à Bamako, Bruno Fanucchi.
N’avez-vous pas plusieurs casquettes ?

Pour faire simple et direct : mère de trois enfants, je suis aujourd’hui à Bamako à la fois restauratrice et agent général dans le secteur des Assurances. J’ai donc deux casquettes. Cela fait maintenant cinq ans que je suis dans la restauration : j’ai en effet ouvert en 2020 au cœur de l’ACI 2000, le quartier des affaires de la capitale malienne, Le Tropikal où se retrouve en toute simplicité le Tout-Bamako autour d’un buffet de qualité. Le midi, on y fait ainsi de belles rencontres puisqu’un certain nombre de personnalités comme l’international malien Kamory Doumbia ou l’influenceur Thierno N’Diaye viennent s’y restaurer régulièrement.
Pouvez-vous nous parler aussi de votre première carrière dans la banque ?

Après mon retour de Montréal (Canada), où j’ai fait HEC et une partie de mes études, j’ai commencé ma première carrière professionnelle à Bamako à la BIM (Banque internationale du Mali), qui a été rachetée depuis par le groupe bancaire marocain Attijariwafa. Puis j’ai travaillé à Ecobank pendant deux ans, où j’étais « conseiller clientèle » pour les PME et PMI.
Après ces deux années, j’ai démissionné et j’ai fait un peu de commerce à gauche et à droite. Puis je me suis lancé dans les assurances et – au bout d’un an de travail dans ce secteur – j’ai ouvert en parallèle dès 2020 mon restaurant que j’ai baptisé Le Tropikal. Même si je reste toujours dans les assurances où je suis chef d’agence depuis 2017.
Comment arrivez-vous à gérer ces deux emplois, en plus de vos obligations familiales ?
Ce n’est pas facile du tout. Cela me fait des journées bien chargées et je rentre parfois à la maison assez tard. Ma fille aînée a cependant 20 ans déjà et vit aux États-Unis. J’ai en revanche un garçon de 16 ans et la petite dernière a 11 ans. Mais tout va bien, vous le voyez.
L’originalité, c’est que votre mari est aussi dans la banque…
Il est aujourd’hui DGA d’une grande banque de la place. Je suis très fière de lui et de sa réussite. Malgré ses responsabilités, il m’aide souvent beaucoup. C’est un peu mon assistant, mon conseiller et mon partenaire pour gérer au mieux notre affaire. C’est comme cela que ça marche entre nous.
« C’est le buffet où se retrouve le Tout-Bamako »
Et Le Tropikal, c’est un peu plus qu’un bon restaurant ?

C’est en effet une bonne adresse, où je crois que l’on mange fort bien, mais c’est devenu aussi le rendez-vous des banquiers de la place, des hommes et femmes d’affaires de Bamako, qui ont été attiré par la formule buffet, où l’on se sert à volonté, par les mets que je prépare en cuisine et par l’ambiance chaleureuse de l’établissement. Au Tropikal, on est pratiquement assuré de rencontrer et de côtoyer des gens connus, ou moins connus, mais fort intéressants. Au gré du service, certains clients passent d’ailleurs d’une table à l’autre pour échanger quelques mots, faire mieux connaissance ou parler discrètement affaires.
Dans votre clientèle, n’avez-vous pas aussi quelques célébrités ?
C’est parfaitement exact. Il y a en effet quelques chanteurs et comédiens comme l’acteur sénégalais Hassane Diop et le comédien Samba N. Kanté. C’est vraiment l’originalité fort appréciée de mon restaurant. On y fait toujours – ou du moins souvent – de belles rencontres. C’est pourquoi il est fort conseillé de réserver sa table le midi.
Si l’adresse est maintenant bien connue, nous ne sommes pas les seuls sur ce créneau des buffets de qualité et la concurrence est rude. Il faut donc se démarquer et savoir apporter un plus.
Comment passe-t-on de la banque à la restauration ? Vous êtes vous-même aux cuisines ?

C’est souvent moi qui suit en effet aux fourneaux pour mijoter les petits plats car la cuisine est une première passion. C’est de famille car mon papa était hôtelier. Il a été Directeur du Grand Hôtel de Bamako à l’époque et a été le Directeur Général des hôtels dans plusieurs villes du Mali.
Dans la famille, mes trois sœurs et moi, on aime bien toutes faire la cuisine. J’ai donc appris à cuisiner assez jeune et j’aime toujours cela. J’aimais faire des innovations en cuisine pour faire plaisir, à la maison, à mes proches. Puis c’est devenu une véritable passion.
Mon Papa me disait autrefois : pourquoi ne pas te lancer dans la restauration ou la pâtisserie ? A l’époque, je négligeai ses conseils car j’étais dans la banque, très investie dans mon métier… Mais un jour cela s’est imposé à moi comme une évidence ou une nécessité et j’ai ouvert Le Tropikal Buffet.
Mais la cuisine, cela s’apprend ?
La cuisine, c’est toutun art et un savoir-faire. J’ai donc appris d’abord en famille, puis j’ai fait des stages dans les restaurants de plusieurs de ses hôtels, à commencer par le Grand Hôtel de Bamako dont il a été le DG, mais aussi à Mopti, Ségou ou Koulikoro et, bien sûr, dans d’autres adresses à Bamako.
« Ma spécialité, c’est le Tiéboudiène et la sauce Fakoye»
Au Tropikal, vous avez quelques spécialités ?

On fait ici les plats maliens, bien entendu, comme la sauce gnougouna, la sauce mafé au poulet et la sauce Fakoye, à base de feuilles potagères du Nord Mali, qui est une de mes spécialités. Mais l’on cuisine aussi presque tous les bons plats de la sous-région, qu’ils soient ivoiriens, guinéens ou sénégalais comme le Tiéboudiène, le fameux riz gras au poisson ou à la viande. Le Tiéboudiène, c’est d’ailleurs mon autre spécialité et nous le servons au Tropikal tous les mercredis et vendredis. Mais nous proposons aussi des plats européens plus classiques mais tout autant appréciés ici par notre fidèle clientèle.
Et que faites-vous encore ?

Devant le succès de notre buffet, nous faisons aussi traiteur au Tropikal pour des événements, des fêtes, des formations professionnelles d’entreprise et, bien sûr, les mariages. Pour assurer tout ce travail, Le Tropikal emploie et fait travailler une vingtaine de personnes, plus éventuellement quelques « saisonniers » quand nous avons d’importantes commandes, de grands événements à prévoir ou des coups de chauffe.
Aujourd’hui, c’est une affaire qui tourne, venez voir et vous y régalez. Dans mes projets à moyen terme, j’espère d’ailleurs pouvoir ouvrir un jour un second restaurant à Bamako, puis quelques autres en province, malgré une conjoncture économique actuellement difficile au Mali. Mais il faut y croire et je m’y prépare le mieux possible.
Quelles sont vos autres passions dans la vie ?
Le cinéma. Je regarde beaucoup de films d’action américains, car j’ai vécu au Canada et aux États-Unis. Mais j’aime bien aussi certains films français avec des acteurs de talent qui ont eu un grand succès comme « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » avec Christian Clavier ou « Le dîner de cons » avec Jacques Villeret, Thierry Lhermitte, Francis Huster et Catherine Frot.
Je suis également avec grand intérêt, bien sûr, toutes les émissions culinaires à la télévision s’intéressant aux cuisines européennes, américaines ou africaines car j’y apprends beaucoup de choses utiles qui peuvent améliorer l’ordinaire.
Pour conclure, quel message adresseriez-vous aux Africaines ?
Pour nous autres, les femmes africaines, il faut se battre pour s’en sortir. Dans le monde actuel, il faut travailler dur et avec acharnement. Il faut avoir de l’argent pour pouvoir aller de l’avant, pour bien s’occuper de sa famille, pour faire plaisir à ses parents et à ses enfants. Il ne faut surtout pas compter sur l’argent des hommes.
Depuis l’Université jusqu’à aujourd’hui, j’ai personnellement toujours travaillé et je me veux une femmes indépendante. Au Canada, dans ma jeunesse, j’ai travaillé pour McDonalds et KFC, une autre chaîne de restauration rapide, comme caissière ou cuisinière. Pour ouvrir et gérer bien une affaire, il faut savoir tout faire et montrer l’exemple.
Mon dernier message sera donc de dire aux Africaines : travaillez pour être indépendantes !
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