Dans une industrie cinématographique dominée par les hommes, où la reconnaissance est souvent difficile à obtenir, une victoire majeure comme celle de Justine Triet ce vendredi 23 février 2024 aux César sur la scène de l’Olympia, est un moment de célébration et de fierté pour toutes celles et ceux qui s’identifient à son travail.

Cependant, il est important de ne pas oublier celles qui ont ouvert la voie avant elle, et en particulier, Euzhan Palcy, une cinéaste pionnière dont la contribution au cinéma français et mondial est indéniable.

Justine Triet, avec son film Anatomie d’une chute, a remporté 6 César dont celui du Meilleur Film, réalisation exceptionnelle et méritée. Cependant, lorsqu’on regarde l’histoire des César, on remarque une omission flagrante : Euzhan Palcy, qui n’a jamais été saluée par l’Académie, ni invitée à faire un discours, et encore moins à remettre un César à l’une de ses consœurs.

César de la première œuvre pour son film « Rue Cases-Nègres »

Rahmatou Keita, Jean-Philippe Nilor député de la Martinique et Euzhan Palcy à l’Assemblée Nationale le 3 mai 2023 © Divas Magazine

Euzhan Palcy a réalisé Rue Cases-Nègres, un film poignant et puissant adapté du roman de l’écrivain martiniquais Joseph Zobel, qui a reçu de nombreuses récompenses, 17 prix internationaux dont le Lion d’Argent du meilleur premier film, et le prix d’interprétation féminine pour Darling Légitimus en 1983 à la Mostra de Venise. Elle est la première femme à recevoir en 1984 le César de la première œuvre pour son film Rue Cases-Nègres, et un Oscar d’honneur en 2022 aux Etats-Unis. La réalisatrice elle aussi d’origine martiniquaise qui a dirigé Marlon Brando dans Une saison Blanche et sèche, nominé aux Oscars en 1989, a ainsi ouvert la voie pour d’autres cinéastes et a marqué l’histoire du cinéma français.

« Ça fait peur, perdre des subventions, perdre des rôles, perdre son travail ». 

Judith Godrèche

Pourtant, malgré cette reconnaissance internationale, son nom est rarement mentionné dans les discussions sur les réalisateurs français les plus influents. Cette omission est d’autant plus troublante que le cinéma français a longtemps été critiqué pour son manque de diversité et de représentation. En ne reconnaissant pas le travail de réalisatrices comme Euzhan Palcy, Rahmatou Keïta, Sarah Maldoror, les César perpétuent cette marginalisation et envoient un message troublant aux jeunes réalisatrices qui aspirent à faire carrière dans l’industrie. Comme l’a si bien dit Judith Godrèche en dénonçant les violences sexuelles dans cette industrie lors de la cérémonie, dénoncer : « ça fait peur, perdre des subventions, perdre des rôles, perdre son travail ». 

Rendre à César ce qui est à César !

Il est temps de corriger cette erreur et de « rendre à César ce qui est à César ». En dénonçant ces manquements, nous rendons justice à une réalisatrice talentueuse et nous envoyons un message fort sur l’importance de la diversité et de la représentation dans l’industrie cinématographique. Justine Triet a mérité son triomphe aux César, mais n’oublions pas les pionnières du cinéma comme Euzhan Palcy, Rahmatou Keïta, Sarah Maldoror, qui ont contribué à la reconnaissance des femmes dans un milieu trop souvent ethnocentré et dominé par les hommes.