Les Açores, sentiers marins sous les volcans
Terceira, Faial et Pico… Trois îles volcaniques en plein coeur de l’océan Atlantique vous initient aux impressions puissantes de leurs terres fertiles ou revêches et de leurs traditions de bout du monde.
Au large de Lisbonne, neuf îles portugaises attendent le voyageur qui n’a pas peur des tempêtes et des ciels changeants. L’archipel est connu pour son anticyclone dont la position, variable sur l’océan, fait la pluie et le
beau temps. Si bien qu’aucun autochtone ne se risquera à la moindre prévision. « Vous allez connaître les quatre saisons dans la journée », vous répond-on quand vous regardez le ciel avec appréhension : une précaution vite confirmée dès le jour de votre arrivée… Mais ces îles lointaines ne restent jamais longtemps fâchées et dès qu’un arc-en-ciel vient colorer ces paysages à la beauté sauvage, vous découvrez les merveilles d’une nature volcanique, verdoyante et prospère, chaque île ayant son charme et son caractère. D’où notre conseil : passez d’île en île, elles sont facilement joignables en avion ou en bateau, et vous serez surpris par la diversité de ce voyage loin des sentiers battus du tourisme de masse. Terceira, Faial et Pico suffiront à vous donner une idée de ces paradis aux côtes battues par l’océan.
Terceira
Terceira d’abord, la plus importante à l’époque des Grandes Découvertes : le régime des vents contraignait alors les navigateurs à y faire escale pour le ravitaillement et la réparation des bateaux. Du haut de la forteresse de Angra do Heroismo, sur le port, vous pensez aux galions chargés d’or et de pierres précieuses provenant des Amériques, à ceux regorgeant d’épices… Ici s’échangeaient les richesses à l’abri des pirates. Vous descendez ensuite vers la ville, un site du XVIe siècle inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Palais, musées, enfilades de rues débouchant sur la mer vous attendent avant l’intérieur de l’île aux gras pâturages grimpant sur les coteaux. Les étendues vert fluo des prairies de basse altitude glissent en douceur vers la dentelle rocheuse des côtes de lave noire. Vous grimpez jusqu’au cratère éteint du Serra do Cume pour la vue sur les vergers quadrillés de murets de basalte à l’intérieur desquels paissent, tranquilles, les vaches, ici trois fois plus nombreuses que les habitants… L’île est réputée pour ses fêtes. Celles de la Saint-Jean à l’occasion du retour des émigrés et celles de Pentecôte donnent lieu à des rassemblements populaires, des danses et des bombances devant les chapelles au bord des routes. Mais les moments incontournables ce sont les “touradas à la corde“, des lâchers de taureaux dans les villages au long de l’année suivis de courses folles.
Faial
Faial,« l’île bleue », vous embarque dans un éblouissement de couleurs azurées depuis que les hortensias ont colonisé les haies qui séparent les prés et toutes les bordures de routes. Ce paradis végétal vous accompagne jusqu’au sommet de la Caldera, une immense dépression volcanique caressée par la brume ou l’arc-en-ciel. Le retour du soleil dévoile son domaine de lauriers, de genévriers et de fougères, tandis qu’à l’extrémité de l’île, le volcan de Capelinhos dresse son impressionnant sommet lunaire, balayé par les cendres… La marina de Horta, la ville principale, est aujourd’hui l’une des plus importantes escales au monde. Tout ce que l’Atlantique compte de navigateurs au long cours, Tabarly, Cousteau, Lamazou pour ne citer que les plus célèbres, s’est un jour arrêté là.
Posez-vous pour une bière au Peter’s Café, le bar le plus fameux de l’Atlantique nord, et vous aurez une idée du brassage de langues des passionnés. On y vient se revigorer d’un ragoût de poulpe bien assaisonné. Si vous n’avez pas le pied marin, une petite balade sur la jetée blasonnée d’un nombre incalculable de peintures estompées par les embruns et réalisées par les marins de passage suffira pour vous mettre dans l’ambiance locale.
Pico
Cap, maintenant, sur Pico pour la suite de votre saga marine aux Açores. Quelques noeuds, parfois chahutés, plus loin et vous y êtes. Ici, l’histoire est digne du Moby Dick de Melville ! Avec une épopée baleinière qui commence après l’attaque dévastatrice du phylloxéra et qui va durer jusqu’en 1986, date de l’interdiction définitive de la chasse aux cétacés. Le Musée des baleiniers de Lajes do Pico fait revivre les combats fabuleux de ces hommes partant à la rame avec leur seul harpon et qui ne savaient même pas nager ! Baleines et dauphins vivent aujourd’hui en paix dans les eaux territoriales et vous pouvez les observer lors de sorties en bateau pour une aventure au plus près de ces géants des mers. Volcanique, verdoyante, aride ou prospère, Pico, « l’île noire », vous offre peut-être l’un des paysages les plus singuliers. Sur ses terres de lave, le long des côtes, l’homme a creusé, taillé et domestiqué le basalte pour y planter sa vigne. Un labeur titanesque. À perte de vue, les murets de ce paysage viticole classé au Patrimoine culturel mondial dessinent une mosaïque de vignes où mûrit, dans la tiédeur de la pierre, le fameux cépage de Verdelho, servi jadis à la table des tsars. Le mont Pico, plus haut sommet du Portugal, dresse ses 2 531 mètres au centre de l’île et les bons marcheurs ont la récompense d’un panorama unique sur l’ensemble des cônes volcaniques jusqu’à Faial, l’île voisine.
Vignobles entre murets de pierres volcaniques avec au fond la montagne de Pico. ©Tourisme Açores
Par Catherine Gary