Ndèye Fatou Kane, néo-féministe à suivre
Auteure de l’essai Vous avez dit féministe ?, publié en 2018, en plein cœur du phénomène #MeToo, Ndèye Fatou Kane, 32 ans, incarne une forme de happy-féminisme qui, à ses yeux, ne s’oppose en rien à chacune des facettes de son identité : femme, peule, musulmane et africaine.
Malgré son master en transport, logistique et management portuaire, Ndèye Fatou Kane est avant tout une femme de lettres. Petite-fille de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane, cette native de Dakar a grandi plongée dans les ouvrages de son aïeul et ceux de Ahmadou Kourouma, Wole Soyinka, Mariama Bâ, Amadou Hampâté Bâ, Aminata Sow Fall – pour ne citer que ceux-là… De la lecture à l’écriture, il n’y a qu’un pas que la jeune Ndèye saute il y a une dizaine d’années en ouvrant son blog Ce que j’ai dans la tête. Après la parution de son premier roman Le malheur de vivre (L’Harmattan, 2014), préfacé par son illustre grand-père, puis de Franklin, l’insoumis (La Doxa, 2016), elle a publié Vous avez dit féministe ? (L’Harmattan, 2018). Elle y met en perspective les écrits de quatre femmes : Simone de Beauvoir, Chimamanda Ngozi Adichie, Awa Thiam et Mariama Bâ. Quatre auteures qui ont mené des combats à des époques et en des lieux différents, et grâce auxquelles elle analyse différents visages du féminisme et en tire sa propre interprétation contextualisée.
Éducation et mentalités
Convaincue que le féminisme n’est pas seulement une affaire de femmes, Ndèye Fatou Kane enjoint les parents à revoir l’éducation de leurs enfants, garçons comme filles, dès le berceau pour que les premiers ne soient plus à « l’école de la virilité » et les secondes à celle de « la séduction ».
La jeune femme s’insurge également contre l’idée que le féminisme est un concept occidental. « Il y a une tradition féministe en Afrique, en particulier au Sénégal, qui est ignorée ! » affirme-t-elle. Et, pour à son tour reprendre le flambeau de ces pionnières, elle a même créé il y a un an le #BalanceTonSaïSaï (saï-saï signifie « pervers »). Une manière de s’ériger contre cette loi du silence imposée aux Sénégalaises victimes d’abus sexuels au nom de deux principes iniques : la sutura qui consiste à tout cacher, à garder le secret ; et la masla qui implique qu’une femme vertueuse doit préserver à tout prix la cellule familiale du déshonneur.
Par Françoise Diboussi