Le pagne, au fil de l’Histoire
Plus que quelques jours pour se rendre au Musée du Quai Branly et voir un large panorama de pagnes imprimés à l’occasion d’événements politiques, sociaux, religieux et culturels du continent africain sur ces soixante dernières années.
Le pagne commémoratif, « Fancy print »
« Fancy » (dérive du mot anglais signifiant « fantaisie) désigne des tissus imprimés et portés par un grand nombre de personnes lors d’un événement public. Ils sont généralement produits selon le procédé de fancy print par des manufactures implantées, jusque dans les années 80, sur le continent africain qui sollicitent des ateliers de dessinateurs pour élaborer les motifs décoratifs ornant les pagnes. Depuis, la plupart de ces usines locales ont fermé, confrontées à la concurrence étrangère principalement chinoise, mais les pagnes commémoratifs restent populaires et sont de véritables outil de communication.
Le pagne reflète un pan tissé du continent africain en donnant à voir des engagements, politiques, sociaux, religieux ou culturels. On retrouve ainsi dans l’exposition les pagnes que la Cicam (cotonnerie industrielle du Cameroun) imprime pour des rassemblements culturels comme le festival Ŋgím Ŋu du peuple Bamendou, ou l’implication du continent africain dans le second conflit mondial, l’effondrement des empires coloniaux européens ou encore la célébration des indépendances, des leaders et régimes politiques issus de la décolonisation.
Les profondes mutations politiques qui scandent l’histoire du continent africain défilent autour des tailles dans les rues, sur les marchés, lors de défilés… On découvre les effigies des chefs d’État lors des rencontres officielles. Les portraits en médaillon sont accompagnés des drapeaux des pays concernés et de slogans. En 1971, un pagne imprimé lors de la visite officielle du Président de la République française Georges Pompidou met ainsi en dialogue son portrait avec celui d’Omar Bongo, Président de la République du Gabon. À travers les pagnes commémoratifs se retrouvent ainsi les déplacements des présidents de la Ve République en Afrique. Mais c’est aussi l’histoire politique du continent américain qui apparaît sur les pagnes lorsqu’en 2008 Barack Obama est le premier président noir élu aux États-Unis.
Les pagnes féministes
A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la mise en valeur d’idées féministes s’affichent sur les pagnes pour célèbrer la participation des femmes à la vie politique et publique et pour rendre hommage à des pionnières telles Josina Machel (1945-1971), figure de la lutte de libération du Mozambique, ou Aoua Keïta (1912-1981), sage-femme, militante syndicale et femme politique malienne. En 2006, Ellen Johnson Sirleaf est élue Présidente de la République du Libéria : elle est la première femme à accéder à la tête d’un État africain, comme le rappelle un pagne imprimé à son effigie. L’exposition présente également le travail de l’artiste canadienne Kapwani Kwanga, lauréate du Prix Marcel Duchamp en 2020, qui met en scène dans l’une de ses vidéos intitulée Praxes of a Dialectal Dialect, les codes et les messages véhiculés par les pagnes commémoratifs. Elle y montre le duel silencieux entre deux femmes qui communiquent à l’aide de kanga, ces tissus imprimés en Afrique de l’Est, ornés de proverbes et autres brèves formules.
Fancy ! Pagnes commémoratifs en Afrique jusqu’au 14 janvier 2024