Au Honduras, sur l’île de Roatan, les Garifunas perpétuent depuis le XVIIe siècle des traditions hautes en couleurs venues d’Afrique et inscrites en 1961 par l’Unesco au patrimoine mondial.

Une saga héroïque du Togo aux rivages d’Amérique centrale

Deux bateaux négriers s’échouent en 1635 au large des Grenadines. Les esclaves en fond de cale en profitent pour s’échapper vers Saint Vincent, la côte la plus proche. L’île est alors peuplée d’Indiens Arawak qui n’entendent pas se laisser envahir mais ne rejettent pas pour autant ces “nègres marrons” qui arrivent en nombre. Au fil du temps leurs coutumes s’harmonisent et la culture garifuna (“mangeurs de manioc”) prend racine. Mais les Anglais arrivent plus tard dans les parages et se montrent moins conciliants. N’entendant pas laisser le champ libre aux indigènes ils doivent néanmoins affronter une résistance redoutable soutenue par les Français présents aussi dans les Caraïbes. In fine, malgré leur courage, les Garifunas perdent la partie et sont déportés le 12 avril 1797 sur l’île de Roatan au Honduras. C’est là que certains vivent toujours tandis que d’autres se sont fixés sur différentes côtes caribéennes d’Amérique centrale, en particulier à Livingstone au Guatemala. Il y aurait aujourd’hui plus de 400 000 Garifunas dans les Amériques dont une grande partie émigrée aux Etats-Unis pour profiter de meilleurs soins de santé et de l’éducation pour les jeunes.

© Catherine Gary

Entre rites yorubas et croyances chrétiennes

A l’entrée du village de Punta Gorda sur l’île de Roatan une statue en bronze souffle dans une conque et se dresse vers le ciel. C’est Joseph Chatoyer, dit Satuye, le chef garifuna qui mena jadis la révolte contre les Anglais, commémorée chaque 12 avril par un carnaval endiablé. D’humbles maisons dispersées dans une nature luxuriante longent la côte avec l’église au sommet. Alfredo Arcilla, 60 ans, vient de retrouver son village par fidélité à ses origines après avoir séjourné dans différentes communautés. Il explique. « Si on ne sait d’où l’on vient on ne saura jamais où l’on va. Nous allons à l’église pour ne pas revenir au temps des affrontements tout en préservant notre culture dérivée du vaudou ». La tradition dit de pleurer la naissance et de célébrer la mort. Les enterrements se font dans la joie avec chants et musiques car la vie est dure et la mort une délivrance.

« Nous sommes un peuple qui n’a jamais été esclave, qui a fui pour être libre » rappelle Alfredo, même si les Garifunas ont souvent été embauchés en raison de leur constitution solide comme main d’œuvre pour construire les routes, travailler dans les champs de canne à sucre et les plantations de bananes. Lors des Parandas, danses rituelles d’amour, de mort ou de réjouissances, tout le village se rassemble autour des tambours et de quelques danseurs masqués, le masque derrière lequel ils se cachaient jadis pour célébrer leurs traditions africaines. Le Dugu, autre cérémonie importante, nécessite la présence du chaman car il s’agit de guérir les malades en faisant appel à l’énergie des ancêtres… Certaines fois ces derniers se manifestent d’ailleurs plus directement et exigent une cérémonie pour communiquer leur volonté. On convoque alors le village, on offre à manger et on laisse le chaman transmettre son message…

© Catherine Gary

La vie tranquille d’un village de pêcheurs

Au port quelques bateaux sont amarrés pour la pêche qui est ici la ressource essentielle. Il ne faut pas passer à côté de la Machuca, le plat traditionnel de poisson ou de crustacé cuit dans un bouillon de lait de coco assaisonné de piment, d’oignon et de coriandre. Le tout accompagné d’une purée de bananes plantain vertes et mûres et de manioc. Un régal préparé par les femmes, car ce sont elles, épouses ou grands-mères, qui ont le rôle central et maintiennent les traditions.

Elles se retrouvent quand les hommes sont à la pêche pour partager des parties de loto tandis que les mères surveillent les enfants qui jouent dehors après l’école qui transmet les rudiments de l’instruction. Car ici, l’essentiel se passe de bouche à oreille, les traditions sont orales. Le dimanche on danse la punta. Au centre d’un cercle de participants une femme s’avance et ondule sensuellement des hanches rejointe par un danseur tandis que les percussions s’emballent… Un spectacle suggestif et l’occasion de tester le guiffiti, l’alcool local, le temps de quelques joyeux moments partagés en musique, saveurs et images hautes en couleurs.

Texte et photos de Catherine Gary