Auteur : Yanis Bargoin & Joanna Simonnet

ALORS QU’ELLE TOUCHERAIT 190 MILLIONS DE FEMMES DANS LE MONDE, L’ENDOMÉTRIOSE A LONGTEMPS ÉTÉ CONSIDÉRÉE COMME SYMPTOMATIQUE DE MAUX NORMAUX.
EN AFRIQUE, PLUS PARTICULIÈREMENT AU MALI, UNE ÉTUDE DATANT DE 2015 A DÉMONTRÉ QUE 25 À 30 % DES FEMMES SONT TOUCHÉES. CELLES QUI ONT NOTAMMENT SUBI UN CURETAGE, UNE HYSTÉRECTOMIE, UNE CÉSARIENNE OU UNE ÉPISIOTOMIE EN SONT VICTIMES, ET IL FAUT ATTENDRE LA MÉNOPAUSE POUR LA VOIR DISPARAÎTRE COMPLÈTEMENT. MAIS DES VOIX S’ÉLÈVENT CHEZ CERTAINES CÉLÉBRITÉS POUR LEVER LE TABOU.

L’ENDOMÉTRIOSE, SOURCE DE MAUX TOUJOURS MÉCONNUE

L’endométriose est une maladie gynécologique chronique qui se caractérise par la présence de tissus semblables à la muqueuse utérine ailleurs que dans l’utérus. Ces « foyers d’endométriose » provoquent des douleurs aiguës lors des menstrues car la maladie est dite « hormono-dépendante ». Cela signifie qu’elle évolue sous l’influence des hormones, plus précisément féminines. Ce sont sous l’effet de ces dernières que le cycle féminin fonctionne. Il débute le premier jour des règles et se termine le premier jour des règles suivantes.

Durant toute cette période, le tissu de la paroi interne de l’utérus appelé « endomètre » s’épaissit en vue d’une éventuelle fécondation.
Si à la fin du cycle, il n’y a pas d’embryon, alors l’endomètre se désagrège sous l’effet des hormones ; ce sont les règles. L’endométriose est liée au cycle menstruel puisque les foyers miment l’endomètre, mais ne peuvent se désagréger. Au contraire, ils s’enflamment alors et provoquent des douleurs très intenses.

Parmi les symptômes de la maladie : des menstrues très douloureuses, une douleur aiguë dans le bassin
accentuée durant les règles, des douleurs lors des rapports sexuels, au moment d’aller à la selle, ou au moment d’uriner, des douleurs digestives, une infertilité, une fatigue intense, de l’anxiété. L’endométriose est ainsi une maladie gynécologique qui atteint la globalité du corps et qui s’avère très handicapante. Pourtant, en France, elle n’est pas encore reconnue parmi les 30 affections longue durée – ALD – permettant de bénéficier d’une prise en charge à 100 % des traitements. Pour ce faire, les patientes doivent effectuer une demande « ALD hors liste » auprès de leur médecin généraliste, qui sera soumise à l’appréciation de l’assurance maladie.

À cette prise en charge complexe, s’ajoute une errance médicale. Sept années : c’est la durée moyenne que doivent attendre les femmes souffrant d’endométriose avant d’obtenir un diagnostic. Pourquoi un parcours si compliqué ? Avant tout, des symptômes qui se confondent avec d’autres maladies, ou qui sont parfois considérés comme étant de simples dysménorrhées (règles très douloureuses). Également, des médecins et gynécologues avec de grandes lacunes théoriques et pratiques face à l’endométriose. Ce n’est en effet que depuis 2020, en France, que les futurs médecins abordent la maladie lors de leur cursus.

TABOUS ET PRÉJUGÉS

En outre, l’endométriose porte en elle des siècles de fausses croyances liées au cycle féminin. La plus répandue est la normalité relative aux règles douloureuses. C’est sans doute celle qui est responsable des lacunes médicales et sociétales à ce sujet. En Afrique, on a également longtemps pensé que les femmes africaines étaient moins prédisposées génétiquement à souffrir d’endométriose.
Ce présupposé tout à fait faux a été la raison d’une prise en charge très difficile pour les femmes africaines, et a engendré un retard notable dans la recherche liée à l’endométriose, puisqu’inadaptée aux faits.

Le Dr François Retief, gynécologue basé en Afrique du Sud et l’un des rares spécialistes de la maladie, dans une interview au Point déplore l’idée selon laquelle les femmes africaines seraient moins touchées par la maladie que les femmes blanches, un fait souligné par plusieurs études, dont la méthodologie est aujourd’hui remise en cause.
Selon lui et il faudrait se débarrasser de cette croyance, et traiter tout le monde comme il convient. Il est donc évident que pour lutter contre l’endométriose, deux combats sont en jeu. Il faudra traiter les maux physiques, et traiter les maux sociétaux. Si l’on sait qu’une femme sur dix est atteinte de cette maladie gynécologique, il est impossible de savoir combien sont au fait de son existence. Mais la parole se libère de plus en plus – dans les médias notamment – et permet ainsi une véritable éducation globale.

De nombreuses célébrités partagent leur combat au quotidien contre la maladie et s’engagent en faveur d’une meilleure reconnaissance de cette dernière. La chanteuse Imany, ambassadrice d’ENDOMind, est, elle aussi passée par une errance médicale de 8 ans avant d’être diagnostiquée à 23 ans. Whoopy Goldberg, elle, outre- Atlantique, alertait déjà en 2009 sur la méconnaissance liée au sujet. Elle expliquait alors qu’autour d’elle, on pensait que l’endométriose était une IST par exemple.

Enfin, Valéry Ayena, Miss Cameroun 2013, annonçait en mars 2021 qu’elle souffrait d’adénomyose, une forme d’endométriose touchant la partie interne de l’utérus.
L’endométriose est en effet une maladie complexe, qui peut se présenter sous différentes formes, raison supplémentaire expliquant son diagnostic long. Les lésions peuvent atteindre plusieurs parties du corps – utérus, kystes sur les ovaires, trompes de Fallope, et dans de rares cas les poumons ou l’estomac. Alors comment soigner ou du moins diagnostiquer l’endométriose ? Si aucun traitement n’existe encore pour lutter contre la maladie, les méthodes de diagnostic sont en constante évolution.

On observe notamment la mise en place progressive d’un parcours de soins plus rapide. Suite à un interrogatoire médical précis sur les types de douleurs de la patiente, une échographie pelvienne sera en premier lieu effectuée. En second lieu, une IRM réalisée par des radiologues formés à l’endométriose pourra être proposée pour examiner les organes internes.

DES MOTS POUR PALLIER LES MAUX

S’il demeure toutefois difficile de trouver des praticiens formés au sujet, des associations telles qu’EndoFrance répertorient les « filières de soins formées endométriose » qui offriront à chaque patiente un traitement adapté. Cela permet ainsi de réduire l’errance médicale et d’assurer un suivi complet. Ces associations permettent de réunir les patientes, et de leur permettre d’échanger.

Puisque imprégnée de tabous, l’endométriose est une maladie dont les victimes souffrent en silence. Heureusement, de plus en plus d’initiatives se mettent en place afin d’assurer un soutien psychologique aux patientes.

Chaque année, au mois de mars, des associations du monde entier se mobilisent et organisent des événements afin de recueillir les fonds nécessaires aux recherches scientifiques liées à l’endométriose. C’est le cas de la Côte d’Ivoire avec l’ONG Endo Woman Afrik présidée par Olive Gandonou Adjéhi, qui parcourt les villes et les villages à la rencontre des femmes afin de les sensibiliser.

L’espoir reste de rigueur quant aux futurs soins. Par le traitement médiatique dont elle a bénéficié ces dernières années, et l’engagement de nombreuses célébrités, l’endométriose est ainsi devenue prioritaire dans les recherches médicales. Si certaines en sont encore au stade préliminaires et épidémiologique, d’autres, comme au Japon, suggèrent déjà des sources bactériennes, et envisageraient un traitement antibiotique. Pour autant, rien n’est définitif, et les traitements hormonaux (pilules et stérilet) demeurent les prescriptions premières afin d’atténuer les symptômes.