Princesse Esther Kamatari
Son « coup de cœur » pour les orphelins de Gao
Nièce du dernier Roi du Burundi, Mwambutsa IV, la Princesse Esther Kamatari s’est prise de passion pour le Mali. Jusqu’à monter une véritable excursion en faveur des enfants du Centre Niali, dans le nord du pays, une zone qui est encore loin d’être pleinement sécurisée malgré les efforts des forces de défense et de sécurité. Tout cela avec le soutien de la Première Dame, Aminata Maïga Keita. Reportage.
Six ans après la libération du pays grâce à l’Opération Serval et la défaite des islamistes qui voulaient mettre le pays en coupe réglée en y instaurant la Charia, le Mali reste un pays meurtri. Les attaques contre les Forces Armées Maliennes (FAMA) y sont – hélas – régulières et sanglantes dans le nord et le centre, régions également en proie à des massacres inter-communautaires.
Exposés à la folie des hommes, les enfants sont plus vulnérables que jamais. C’est pour eux, en particulier ceux de Gao, que la Princesse Kamatari, l’un des tout premiers mannequins noirs internationalement connus, aujourd’hui égérie Guerlain, a entrepris cette extraordinaire aventure que DIVAS a eu la chance d’accompagner.
Aux prémices de ce « voyage d’humanité » d’une dizaine de jours, il y avait déjà eu une visite, il y a un an, en mai 2018 : « Invitée par la Première Dame du Mali, Mme Aminata Maïga Keita, je me suis rendue à Gao, raconte la Princesse. Là-bas, j’ai eu un véritable coup de cœur pour les enfants du Centre Niali. Agir, l’ONG de la Première Dame, s’en occupe depuis longtemps. Je me suis jurée d’y retourner au plus vite ! »
Quand la foi soulève les montagnes
Évidemment, pour Esther Kamatari, il n’est pas question d’arriver les mains vides. « Ce qui rassemble les enfants du monde entier, qu’ils soient noirs, verts, jaunes ou bleus, explique-t-elle avec humour, ce sont les jeux et les loisirs. Or à Gao, s’il y a beaucoup de sable, on manque en revanche cruellement de jouets. Et il nous fallait trouver et récolter des jeux d’éveil, des jouets collectifs et des gadgets ludo-éducatifs, qui puissent occuper aussi bien les garçons que les filles et leur apprendre quelque chose en s’amusant ».
Mais où trouver l’argent et les bonnes volontés ? Car, on le sait, les bonnes intentions ne suffisent pas toujours. Loin de renoncer, la Princesse a alors une idée géniale. Marraine d’une exposition consacrée aux « Black Queens », douze reines dont tous les Africains et Africaines peuvent être légitimement fiers, elle décide d’éditer un calendrier 2019 sur ce thème et de le vendre au profit des « enfants de Gao ». Ainsi seront récoltés les fonds nécessaires au voyage et à l’achat des jouets.
Mais pas que. Car la Princesse a une autre idée. « Il fait si chaud à Gao. La température avoisine ou dépasse souvent les 40 à 45°C. Du coup, je me suis mise en tête de leur offrir un bus climatisé pour qu’ils puissent se déplacer par exemple du Centre Niali à un terrain de sport en toute tranquillité et sécurité ».
Acheté en France, ce bus d’occasion, refait à neuf et décoré aux couleurs maliennes (vert, jaune, rouge), est acheminé par bateau de Marseille à Dakar, d’où il gagne par la route Bamako en 48 heures à peine, puis Gao, sous la houlette de Moulaye Haïdara, promu « chef du village » pour cet « exploit digne du livre des records » ! Les jouets, quant à eux, sont chargés avec du matériel ou des produits de première nécessité, comme des réfrigérateurs, dans un container de dix tonnes qui prend également la mer pour effectuer le même périple.
Jour de fête à Gao
« Je suis la princesse la plus heureuse », confie Esther Kamatari en arrivant le 23 mars dernier au Centre Niali. Enfin, son rêve s’accomplit : elle retrouve ses petits chérubins de Gao. C’est jour de fête dans la ville, où la Princesse au grand cœur n’arrive pas seule, mais accompagnée en avion militaire par la Première Dame du Mali et les ministres de la Culture, Ramatoulaye Diallo, et de l’Artisanat et du Tourisme, Nina Wallet Intallou, dans un impressionnant déploiement de sécurité. Pour l’occasion, tous les enfants ont été réunis sur la grand-place où spectacles et discours se succèdent. Toujours trop longs certainement, mais ô combien touchants. Le maire de Gao, Boubacar Dacka Traoré, est présent ainsi que les autorités touaregs locales ; tous se réjouissent et saluent l’initiative originale et courageuse de la Princesse Kamatari.
« Aujourd’hui, nous encadrons ici quelques 199 enfants, dont 122 filles, tous issus de familles défavorisées et qui sont parfois orphelins », souligne avec fierté Mme Koumba Maïga, directrice du Centre Niali, qui poursuit : « C’est pourquoi nous avons demandé au gouverneur de la région de Gao de prendre une décision pour créer un complexe scolaire car nous sommes victimes de notre succès et ne pouvons plus tous les accueillir, les loger, les vêtir, les nourrir, les éduquer, etc. ». Avant d’ajouter, émue : « Pour moi aujourd’hui, c’est comme un rêve que je vis tout éveillée car je ne pouvais pas imaginer une telle générosité… Je me suis toujours demandé pourquoi ces enfants-là n’avaient pas d’appui et de soutien plus importants, comme ce que vient de faire la Princesse qui est partie de chez elle pour venir jusqu’ici. Je sais que c’est une femme de cœur ».
Bilan d’une superbe expédition
« Il faut savoir parfois prendre des initiatives, ouvrir des pistes et donner le bon exemple. Et l’exemple commence au Mali, où tout le monde – et notamment les plus hautes autorités – est visiblement très sensible à ce que je suis en train de faire ici », souligne l’ancien mannequin, ravie de découvrir tous ces visages radieux. « Je souhaite être inspirante pour les autres et – pourquoi pas ? – demain, pour les chefs d’État qui doivent prendre à bras-le-corps l’avenir de ces enfants. Être inspirante, c’est assurément le plus beau des compliments que l’on puisse me faire pour ce geste d’humanité qui me tenait tant à cœur. Même si ce n’est qu’une goutte d’eau, c’est avec de nombreuses gouttes d’eau que l’on arrive à faire un océan… ».
« Si on peut permettre à ces tout petits de rêver, d’imaginer, de se projeter dans le futur, observe avec philosophie la Princesse Kamatari, c’est peut-être une façon pragmatique de les garder au pays et en Afrique, de leur éviter aussi d’aller demain rêver ailleurs… au risque de cruelles déconvenues ». Car la vie n’est pas toujours rose en Occident et beaucoup se bercent d’illusions ! Avant de conclure : « Pour qu’on puisse en Afrique garder nos jeunes, qui sont la richesse du continent, il faut que l’on puisse les faire rêver ici. Qu’ils soient fiers demain de leur pays, de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions ».
De notre envoyé spécial à Bamako et Gao, Bruno Fanucchi. Photos : Jacques Naismith