Ndeye Tabaski Diouck : J’ai toujours aimé le luxe !
Personnalité atypique, attachante et multicartes, Ndeye Tabaski Thiam, épouse Diouck, est une professionnelle de la communication que l’on ne présente plus. Co-fondatrice du Forum de Bamako, qui vient de fêter sa 20è édition, elle a aussi créé à Dakar la « Villa Racine », un hôtel de charme unique en son genre où le client est reçu comme un « invité » ! Entretien découverte.
Au Palais de Koulouba, le 22 février dernier à Bamako, c’est elle qui a remis au Président malien Ibrahim Boubacar Keïta un petit cadeau personnalisé – un bloc-notes « Excellency » – pour le remercier de recevoir au Palais les participants au Forum de Bamako. Après qu’il a ouvert en personne au CICB (Centre International de Conférences de Bamako), le jeudi précédent, les travaux de cette 20ème édition consacrée à un thème très large de prospective : « Quelle Afrique à l’horizon 2040 ? ». Car à Bamako, comme à Dakar et dans toute l’Afrique de l’Ouest, les choses bougent et le Continent se transforme grâce au savoir-faire et au dynamisme contagieux de femmes influentes à son image.
Vous êtes fidèle au Forum de Bamako depuis le début ?
Dès l’an 2000, j’ai en effet été cooptée par le talentueux Abdoulah Coulibaly, président-fondateur du Forum de Bamako, comme membre fondatrice et trésorière et je suis, à ce jour, toujours membre du Bureau, et bel et bien présente pour ce 20ème anniversaire. C’est une édition importante et je me devais d’être là avec l’ensemble des membres fondateurs qui ont tous fait l’effort de pouvoir venir pour cet anniversaire et voir ainsi l’évolution extraordinaire de ce think tank que l’on compare désormais à un Davos africain et qui peut encore être beaucoup plus que cela.
Comme le soulignait parfaitement le Président Ibrahim Boubacar Keïta lors de la cérémonie d’ouverture, ce Forum doit garder sa spécificité, mais apporter des solutions pratiques aux principaux problèmes qui se posent à l’Afrique et dont nous débattons ici en toute liberté. Président de l’IHEM (Institut des Hautes Etudes en Management), dont la réputation n’est plus à faire, notre ami Coulibaly a su bâtir un Forum qui a une vraie notoriété internationale en catalysant toutes les énergies et en réunissant ici des personnalités importantes venues d’horizons très divers. Il m’a fait confiance et j’ai conçu le logo du Forum.
L’originalité de ce Forum n’est-il pas de rassembler une « grande famille » ?
Vous avez parfaitement raison, c’est une « grande famille » qui s’agrandit chaque année depuis vingt ans. C’est d’ailleurs l’intérêt de ce Forum où l’on retrouve aussi bien des Européens, des Américains que des Africains qui ont tous, ensemble, la volonté de changer les réalités de l’Afrique. Avec toujours une grande liberté de pensée et de parole et un esprit d’échange sans égal, qui font la richesse de ce Forum.
Je me sens complètement Panafricaine
Pouvez-vous vous présenter à nos lectrices ?
Je refuse en général les interviews, mais j’ai bien conscience qu’il faut parfois se faire violence, parler de soi et de son parcours pour donner un exemple et encourager les femmes et les jeunes notamment en leur montrant qu’en Afrique tout est possible, y compris la réussite. Pour faire simple, je suis Mme Diouck, née Ndeye Tabaski Thiam. Née à Diourbel, à 150 km à l’est de Dakar, j’ai fait mes études un peu partout en Afrique : j’ai commencé au Togo, au Bénin puis à Douala (Cameroun) et à Brazzaville (Congo) avant de revenir au Sénégal où je ne comprenais pas alors un seul mot de wolof. Je parlais lingala et français. J’ai été au collège et au lycée à Diourbel, puis j’ai fait Sciences économiques à l’Université de Dakar, avant de poursuivre mes études en France, où j’ai aussi bien habité le « 9-3 » que le XVIe !
Comme vous avez tellement voyagé pour vos études puis vos affaires, vous sentez-vous Panafricaine ?
C’est exact. Je suis complètement Panafricaine et même citoyenne du monde car je suis aussi Française. Quand j’ai créé la « Villa Racine », dont je me suis occupée de toute la décoration intérieure, je me suis longtemps demandée pourquoi j’avais mis dans certaines chambres des meubles complètement baroques et j’ai enfin trouvé la réponse au bout de huit ans : tout simplement parce que mon premier job a été en France au Mobilier national des Gobelins. La « Villa Racine » rassemble en effet l’ensemble de mes cultures.
Racine, tout simplement, ce fut pour moi un retour aux sources où je retrouvai mes racines après quinze ans passés en France. La réalité est cependant tout autre. Je m’appelle Ndeye (c’est-à-dire Maman) Tabaski parce que je porte le prénom de ma grand-mère et le père de celle-ci s’appelait Racine. On m’appelle en fait Tabou Racine, c’est-à-dire Tabaski fille de Racine, et cela constitue une sorte de particule pour me rappeler le lien familial. Et, dans toutes mes sociétés, on retrouve le mot Racine qui est pour moi le maître-mot.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours professionnel qui commence à Paris ?
Après mes études de Sciences économiques puis d’informatique de gestion, j’ai eu la chance en effet de travailler pour M. Julien Drahy, qui avait vraiment confiance en moi et je me suis occupée de ses sept sociétés avec sept activités différentes. Rue Saint-Charles, dans le XVe arrondissement de Paris, on était tout à la fois dans la restauration, l’immobilier, le prêt-à-porter de luxe, l’exploitation de salles de cinéma, la production de films, la production phonographique et la communication à partir du Minitel ! C’était non seulement très diversifié, mais très instructif car j’ai énormément appris à ses côtés. J’ai ainsi appris à travailler en même temps sur plusieurs dossiers et je me rappelle encore aujourd’hui que pour différencier toutes ces activités, nous utilisions des codes couleur. Cela m’a également permis de côtoyer des personnalités dans le monde politique, mais aussi dans le monde des affaires, des arts et du luxe. Et de me constituer ainsi, dès le départ, un beau carnet d’adresses. D’autant plus que, comme le dit Suzanne Flon dans une célèbre réplique de film, j’ai toujours aimé le luxe.
Vous avez ouvert à Dakar la Villa Racine. N’est- ce pas le petit joyau de votre galaxie ?
À dire vrai, je suis arrivée un peu comme un cheveu sur la soupe dans le milieu de l’hôtellerie et la Villa Racine est survenue comme une activité accessoire. Dans la capitale, j’ai mis en place ce premier « boutique-hôtel » au Sénégal, et l’on dit bien un « boutique-hôtel », car c’est un concept unique et original. Un « boutique-hôtel » a en effet une définition très précise. Il faut déjà être situé au milieu des centres d’affaires, avoir une petite capacité d’accueil, comme le « Villa Racine » avec une vingtaine de chambres, et de surcroît une décoration spécifique. Mais il faut surtout un vrai confort, une grande discrétion et un service personnalisé car le client est roi et, chez nous, c’est un « invité » qui est traité comme tel. D’où un service irréprochable et notre slogan original : la « Villa Racine », l’hôtel qui vous change de l’hôtel !
À la Villa Racine, vous êtes accueilli comme un invité
Mais vous êtes aussi à la tête d’un groupe de communication ?
Mon activité principale reste, en effet, la communication car j’ai fondé un groupe qui fait aussi bien des campagnes de publicité, de la communication digitale, du conseil et, bien sûr, de l’événementiel. Avec trois structures différentes : Racine Communication, qui a 25 ans d’existence, Digi-Communication et Racine2 Agency qui sont implantées à Dakar, avec une filiale à Bamako. Nous sommes arrivés, en effet, au Mali suite à l’opportunité qui nous a été offerte de créer un « free-shop » à l’aéroport international Modibo Keïta de Bamako.
Vous avez, en revanche, récemment perdu la licence pour l’aéroport de Dakar ?
Nous avions en effet un « free-shop » à l’aéroport de Dakar-Yoff, mais malheureusement nous n’avons pas été reconduits pour l’aéroport Blaise Diagne de Diamniadio, dont l’exclusivité a été accordée au groupe Lagardère pendant 10 ans.
C’est plus que scandaleux, c’est hyper-frustrant car nous avions ce savoir-faire avec des gens qui étaient là depuis plus de 40 ans. Une mise en concurrence aurait été naturelle, mais là c’est vraiment frustrant. Je n’en dirai pas plus…
Et les parfums sont une autre de vos spécialités ?
Il faudrait que je vous parle d’abord des parfums de niche, c’est-à-dire les parfums rares ou la parfumerie artistique dont nous sommes les distributeurs de marques mondialement reconnues. Et nous avons nous-mêmes développé notre ligne de parfums d’intérieur. Nous avons étudié les senteurs de chez nous et la manière de nous parfumer à travers le « thiouraye », c’est un encens (en wolof) que l’on brûle le matin, l’après-midi et souvent le soir dans la chambre à coucher. Cela fait partie de la séduction bien connue de la femme sénégalaise. Comme certains sont asthmatiques ou ne supportent pas la fumée, nous avons conçu ces parfums qui se diffusent par capillarité ou par spray pour obtenir les mêmes senteurs sans brûler.
Quelles sont, en ce domaine, vos dernières nouveautés ?
Il y a dix fragrances conçues, mais il y en a deux ou trois que j’aime beaucoup : le « Gowé » kaysien car la matière première vient de Kayes (Mali) et la conception du Sénégal. C’est un grand succès et l’on s’en est rendu compte dès les premiers tests car, aujourd’hui, nous sommes déjà en rupture. Il y a aussi « Caprice Lobo » qui pourrait se traduire par « Caprices d’une jeune fille Peul » réalisé en hommage à Mme Oumou Sidibe Coulibaly (mère de l’ex-chef de la diplomatie malienne Hubert Tieman Coulibaly), une Grande Dame qui a vécu comme une Princesse et nous a montré la voie. C’est un parfum que les Européens – surtout les Français – aiment beaucoup. Et enfin le dernier de mes préférés : « Oud Mourage » « le parfum qui tue », c’est l’arme de destruction massive des Sénégalaises pour la chambre à coucher, destinée aux grands combats amoureux !
Pour finir, pouvez-vous nous parler exceptionnellement de vous ?
Je suis de nature très réservée, mais je vais fendre l’armure : je suis mariée à un haut fonctionnaire sénégalais qui a occupé des postes importants au cours de sa brillante carrière à la Présidence comme dans de nombreux ministères. Il est aujourd’hui « consultant international » dans ses domaines de compétence que sont l’organisation et le management. Nous avons sept enfants (quatre garçons et trois filles) et je me porte à merveille comme vous le voyez !
Par Bruno Fanucchi