Iniye Tokyo James : « la condition humaine est une source d’inspiration infinie »
Seul africain a défilé à Milan depuis 5 saisons, le créateur anglo-nigérian Iniye Tokyo James a signé en 2023 une collection capsule pour 24s, le site E-commerce ultra select du groupe LVMH. Finaliste du prix LVMH en 2022, cet autodidacte dessine dans son studio de Lagos une mode sophistiquée et audacieuse…Interview sous forme de mots-clés.
Par Stéphanie O’Brien
Des mathématiques à la mode
« J’ai créé la marque Tokyo James en 2015 mais j’ai commencé à travailler dans la mode pendant mes études de mathématiques à la Queen Mary University de Londres. J’ai débuté comme styliste pour des célébrités et des magazines et j’étais aussi directeur artistique pour des maisons comme Brioni, Issey Miyake, Puma. J’ai toujours été passionné par la mode mais disons que les mathématiques me servent à bien gérer mon entreprise car la mode c’est quand aussi un business (rires).»
Le moment décisif
« Le véritable moment décisif eu lieu pendant la pandémie avec la première commande passée par Dover Street Market. C’est une des plus grandes enseignes mondiales pour les créateurs de luxe. Cette commande nous a offert une visibilité internationale. Jusque-là nous vendions principalement au travers de détaillants au Nigéria et en direct un peu partout dans le monde. »
Le prix LVMH 2022
« Être reconnu et sélectionné parmi le 8 finalistes sur plus de 1 900 candidats a été un véritable tournant pour moi. C’est très important pour des créateurs africains que des institutions comme LVMH reconnaissent notre potentiel et nous offrent l’opportunité de concrétiser et exprimer ce potentiel à l’échelle mondiale. »
Une première ligne pour femmes
« La ligne pour femmes offre une autre vision l’univers de la marque. La femme Tokyo James est aussi audacieuse, sans complexe et sexy que l’homme Tokyo James. On dit souvent de l’homme qu’il est ambitieux mais la femme l’est tout autant. Elle sait ce qu’elle aime, elle a confiance en elle, c’est une fonceuse. En tant que marque de mode, notre objectif est de créer des vêtements qui magnifient l’être humain, quel qu’il soit sans distinction de genre ou d’origines. »
Le cuir
« Le cuir est central dans mes créations même si dans les créations récentes j’ai aussi travaillé le mohair, la laine et la dentelle. Mais le cuir reste ma matière fétiche et la signature de la marque Tokyo James. C’est un matériau fabuleux qui résiste au temps, il est à la fois sexy et sophistiqué. »
Savile Row revisité
« Le tailoring est très important pour moi, c’est le fondement de la mode mais je ne le vois pas comme quelque chose de nécessairement classique et ennuyeux. Avec les équipes de l’atelier, nous cherchons constamment de nouvelles façons de le moderniser, de le transformer. C’est un travail qui nous stimule et nous plaît énormément. »
Inspiration
« La condition humaine est pour moi une source d’inspiration infinie que ce soit au niveau politique ou en termes d’émotions. La diversité humaine est incroyable mais il y a un fil invisible qui nous relie tous en tant qu’êtres humains. Je trouve ça époustouflant et sublime. »
La collection « Résilience »
« La collection automne-hiver 2022 s’intitulait « Résilience » en référence à toutes les tensions et crises que le monde traverse. La récession est mondiale et nous affecte tous, mais l’être humain fait preuve de persévérance quelle que soient les circonstances. La grenouille est le motif central de cette collection car c’est un animal très adaptable. On le retrouve dans toutes les régions du monde, même en Arctique et en Antarctique, et je trouve ça totalement dingue que cet amphibien résiste à de tels climats. »
L’Afrique
« La mode se développe de plus en plus mais les jeunes créateurs africains ont besoin de davantage de soutiens de la part des institutions. Les gens ne comprennent pas que la mode ça n’est pas seulement un business qui consiste à créer et vendre des vêtements. C’est aussi un vecteur culturel qui contribue à l’identité d’un pays et à la façon dont il perçu par le reste du monde. En Afrique, nous n’avons pas encore pris conscience de ce pouvoir. Nous devons travailler avec les gouvernements pour construire une industrie capable de changer la perception que le monde a de notre continent. »
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