Certaines personnes ont beau ne pas ressembler à des prêtres de l’Église catholique ou à des psychanalystes, l’on éprouve une envie irrésistible de se confier à elles et de se confesser. Comme s’il y avait chez ces gens-là une humanité rare et une dose d’empathie qui force à la relaxation. C’est le cas d’Oprah Winfrey, la célèbre journaliste et femme de médias qui s’est imposée comme étant une des personnalités les plus influentes de la planète. À soixante-huit ans, celle qui fut une pauvre jeune fille du Milwaukee et qui a démarré sa vie et sa carrière humblement est aujourd’hui la confidente des femmes et des hommes les plus puissants du monde, des royautés en exercice et en devenir. Elle est également la journaliste vers laquelle se tournent toutes les vedettes du show-business qui croient avoir des choses à dire et qui voudraient le faire sur un plateau de télévision où ils auront une audience planétaire. 

Parfois d’ailleurs, les entretiens avec Oprah Winfrey (que tout le monde appelle affectueusement de son prénom) débouchent sur des révélations qui elles-mêmes suscitent de véritables tremblements de terre dans les plus hauts lieux de pouvoir. Ce fut le cas notamment en mars de l’année dernière lorsque la duchesse de Sussex Meghan Markle et son mari le prince Harry (petit-fils de la reine d’Angleterre, duc de Sussex, fils du prochain roi le prince Charles de Galles), avaient choqué le monde entier lors d’un entretien avec Oprah. 

Parmi leurs confessions les plus explosives, ils avaient accusé la famille royale de Grande-Bretagne de racisme. Meghan Markle, qui est noire américaine, avait affirmé que lorsqu’elle vivait au Palais de Buckingham et était enceinte de son premier enfant Archie, quelqu’un de haut placé s’était demandé en sa présence à quel point la peau de l’enfant royal serait foncée… Interrogée par Oprah sur l’identité de cette personne raciste qui officierait au sein de la hiérarchie royale britannique, la duchesse de Sussex avait répondu que révéler ce nom serait particulièrement «préjudiciable » pour la personne en question. Son mari avait fait savoir le lendemain que la reine Elizabeth II et le prince Philip n’étaient pas les personnes visées par leurs accusations. Il tenait à protéger ses grands-parents de tout scandale. 

Lors de la même interview, le couple qui réside depuis lors aux Etats-Unis, avait également pointé du doigt le manque de bienveillance dont avait fait preuve certains membres de la famille royale à leur égard. Meghan Markle avait même expliqué ne pas avoir reçu le soutien nécessaire alors qu’elle avait des idées suicidaires… 

Parlant toujours sous la douceur bienveillante d’Oprah, le couple avait affirmé aussi que le prince Charles avait cessé de lui verser de l’argent, ceci du jour au lendemain. Charles de Galles aurait accepté initialement de subvenir à ses besoins pour la première année de leur vie aux Etats-Unis. Mais Meghan et Harry se sont finalement libérés de cette aide financière après avoir signé deux contrats avec Netflix et Spotify. «Ma famille m’a littéralement coupé le robinet financier », a affirmé Harry. « Je me sens vraiment abandonné, parce que mon père a déjà vécu quelque chose de similaire. Il connaît cette souffrance », a-t-il expliqué à Oprah Winfrey. Avant d’ajouter à propos de son père le prince Charles : « Je l’aimerai toujours, mais j’ai été très blessé. Guérir cette relation sera toujours l’une de mes priorités. » Cette interview-choc avait eu un tel retentissement que la reine Elizabeth avait dû ordonner une investigation sur les allégations de Meghan et Harry. 

« Quand on n’a aucune raison d’avoir honte, quand on sait qui l’on est et ce qui compte pour soi, on se tient dans la sagesse. »

Oprah Winfrey 

Elle est comme cela, Oprah : elle est capable de tirer de chacun de ses interlocuteurs des choses enfouies au plus profond de l’âme. Elle l’a fait avec les chanteuses Lady Gaga et Adele, qu’elle a poussées délicatement à avouer des drames, des difficultés terribles de leurs vies, difficultés dont elles n’avaient jamais parlé publiquement. Tout ce que touche d’ailleurs Oprah semble se transformer en or. Lorsqu’elle lance son premier talk-show en 1986, c’est le succès immédiat. Elle attire environ 15 millions de téléspectateurs quotidiennement pendant vingt-cinq ans. 

Le succès lui a donné également une immense influence politique : les politologues et les instituts de sondages américains estiment par exemple que son soutien au candidat Barack Obama dès 2006 (deux ans avant l’élection présidentielle) aurait rallié à ce dernier un million d’électeurs supplémentaires, de quoi ravir la victoire aux primaires du Parti Démocrate à Hillary Clinton. 

Les secrets du succès d’Oprah remontent à son enfance et à son éducation familiale d’où elle a tiré sa philosophie de vie. Sa mère était femme de ménage sans le sou. Quand Oprah était enfant, sa grand-mère lui confectionnait des robes en utilisant la toile de jute des sacs de pommes de terre. Repérée par ses enseignants, elle bénéficie à treize ans d’une bourse d’études. Mais le vrai tournant se produit lorsque son père, barbier séparé de sa mère, la prend avec lui. Elle a alors quatorze ans. Le père lui impose de lire deux livres par semaine. La suite, tout le monde la connaît. 

Les frustrations, les douleurs et la honte de son enfance et de son adolescence ne l’ont pas vaincue. Au contraire. « Ce dont j’ai acquis la certitude, c’est que garder la honte par-devers soi est le pire des fardeaux que l’on puisse s’imposer, explique-t-elle. Quand on n’a aucune raison d’avoir honte, quand on sait qui l’on est et ce qui compte pour soi, on se tient dans la sagesse. » 

« Lorsque vous vous faites le devoir toute votre vie d’aimer les autres, il n’y a jamais de dernier chapitre, car l’histoire se poursuit. Vous prêtez votre lumière à quelqu’un d’autre qui éclaire une autre personne et une autre, et encore une autre. » Et d’expliquer sa conception positive du relativisme : « Il nous arrive parfois d’être concentrés sur la difficulté devant nous et sur le défi qu’elle impose, au point de perdre de vue la nécessité de nous montrer reconnaissants déjà pour le simple fait que nous sommes là et que nous avons une montagne à escalader. » Comme quoi le fait d’avoir des problèmes à résoudre, c’est déjà un luxe. Car la vie est un cadeau qu’il convient d’apprécier. « Peu importe le défi que vous avez à surmonter, insiste Oprah. Vous devez vous rappeler que votre vie est comme un tableau dont vous êtes le peintre. Il se peint au fil de vos expériences, de vos comportements, de vos réactions et de vos émotions. C’est vous qui avez le pinceau en main. » 

Par Suzanne Pearl
Photo: © Séraphine Pingeot