Que devient Michelle Obama ?
Le décor était digne des plus grands films romantiques de Hollywood : des palmiers sur une plage d’une des mythiques îles de Hawaï, visiblement peu fréquentée ; l’océan à l’arrière-plan majestueux et paisible dont on peut entendre l’immense halètement sur l’image ; et surtout un coucher de soleil majestueux, multicolore et sublime, qu’aucun éclairagiste n’aurait pu mettre en scène. Même les nuages gris semblaient passer délicatement, comme pour respecter la douce solennité du moment. Et au premier plan, Michelle et Barack Obama. Elle, tenant à la main un verre de liqueur et lui, posant sur sa joue un baiser délicat…
La photo a été diffusée par Barack Obama sur Instagram le 17 janvier. L’occasion ? Le cinquante-huitième anniversaire de son épouse. L’ex-président américain lui a également souhaité ses voeux de bonheur en lui écrivant simplement : « Mon amour, ma partenaire, ma meilleure amie… ». Puis, l’ex-Première Dame des Etats-Unis a utilisé elle aussi le réseau Instagram pour marquer l’événement. Elle a diffusé une courte vidéo dans laquelle on la voit assise devant un gâteau, l’air détendue et souriante, esquissant quelques mouvements de danse sur le célèbre air Happy Birthday de leur ami Stevie Wonder. Michelle danse avant de souffler les bougies qui décorent le grand gâteau blanc posé sur la table devant elle.
La légende de ce petit clip musical a été appréciée (« likée ») par plus de 4 millions de personnes : « À une douce 58e année, écrit Michelle Obama ! Merci beaucoup pour votre déferlement d’amour. Que ce soit par texto, par courriel ou sur les réseaux sociaux, chaque message d’anniversaire que j’ai reçu aujourd’hui a eu une grande signification pour moi. Je suis si reconnaissante d’avoir autant de personnes qui m’encouragent. J’ai hâte de voir ce que cette nouvelle année a en réserve. »
Cinq mois plus tôt, pour le soixantième anniversaire de Barack Obama le 4 août, elle avait organisé une fête somptueuse dans leur luxueuse propriété sur l’île huppée de Martha’s Vineyard, sur l’océan Atlantique, dans le Massachusetts. C’était le samedi suivant, 7 août. Construite en 2001 sur un terrain de près de 12 000 mètres carrés, ce manoir, d’une superficie de 640 mètres carrés, a sept chambres, huit salles de bain et une grande cheminée en pierre située dans le salon. Il leur a coûté 12 millions de dollars en 2019. L’ancien propriétaire Wycliffe Grousbeck, qui possède notamment l’équipe de basket-ball de Boston (les Celtics), était bien content de la vendre à la famille Obama dont il partage les opinions politiques.
Pour l’anniversaire de l’ancien président, il y avait là de nombreux invités, dont une foule de célébrités : le cinéaste Steven Spielberg ; les acteurs hollywoodiens Tom Hanks, George Clooney,
Gabrielle Union, Don Cheadle et Bradley Cooper ; les artistes Jay-Z, Beyoncé, Bruce Springsteen, Alicia Keys, John Legend, Erykah Badu ; l’ancienne vedette de basketball Dwyane Wade ; l’humoriste Stephen Colbert, et bien d’autres noms connus encore. La chanteuse H.E.R. y avait livré une performance mémorable. L’ancien président américain y avait dansé avec ses convives. Certains en étaient partis avec des souvenirs de la fête, comme des serviettes en papier avec l’inscription « 44×60 » (en référence aux 60 ans de celui qui fut le 44e président des Etats-Unis).
En pleine crise sanitaire, et alors que le variant Delta continuait de se propager, l’événement n’avait pas manqué de susciter la polémique. Le député (membre de la Chambre des Représentants) Jim Jordan, un fidèle de Donald Trump, avait ironisé en affirmant que «si c’était la fête d’anniversaire du président Trump, les démocrates auraient dénoncé un dangereux événement super-propagateur de Covid-19 et auraient conclu que les organisateurs d’un tel rassemblement tuent des gens… ».
Quant à la présidente du Parti Républicain Ronna McDaniel, elle s’était interrogée publiquement sur la tendance à l’indignation sélective dont bénéficierait la famille Obama et les membres du Parti Démocrate : « Y a-t-il une exception pour les fêtes auxquelles participent les riches célébrités libérales? », avait-elle demandé. Il est vrai que lorsqu’il était chef de l’Etat, Donald Trump et son gouvernement avaient plusieurs fois suscité des critiques virulentes de la presse après l’organisation d’événements où les participants ne portaient pas de masques, à la Maison-Blanche, dans des ministères, ou lors de meetings de campagne, parfois au plus fort de la pandémie et avant l’autorisation des vaccins contre le Covid-19.
Michelle Obama n’avait eu que faire des critiques concernant la fête d’anniversaire de son époux. Elle avait pris d’assaut les réseaux sociaux—notamment Instagram qu’elle affectionne personnellement—pour multiplier les marques d’attention à Barack, révélant un couple plus amoureux que jamais après vingt-huit ans de mariage. « Tu me fais toujours tourner la tête après toutes ces années » avait-elle écrit pour accompagner une couverture du magazine Ebony, où on peut apercevoir l’ancien président des États-Unis sortant d’une voiture dans un élégant costume noir, lunettes de soleil au visage.
Au bas d’une photo de son mari en compagnie de leurs enfants, l’ancienne First Lady avait souligné les qualités de papa modèle de l’homme qui fut pendant huit ans le président de la nation la plus puissante du monde et le leader du monde libre : « De toutes tes réalisations, je sais qu’être un père présent et aimant pour nos filles les surpasse toutes, avait-elle écrit. Merci de ne jamais laisser le poids du monde t’empêcher d’être un mari et un père merveilleux. Joyeux 60e anniversaire ! » Michelle avait ensuite publié une photo inédite prise le jour de leur mariage. Elle y apparaissait vêtue d’une robe de mariée à épaules dénudées et d’un voile, aux côtés de son époux sanglé dans un impeccable smoking et un noeud papillon blanc. Trait d’humour : tous deux ont des traces visibles de gâteau sur le nez… « Le mariage peut être l’une des plus importantes parts de notre identité, nous apportant tellement de joie, de sens et de soutien chaque jour », avait écrit Michelle sous forme de légende de sa photo. Et de poursuivre : « Mais une chose est sûre : cela demande beaucoup de travail et d’honnêteté envers nous-mêmes et notre partenaire. C’est la chose que j’ai apprise. J’aimerais entendre certaines choses que vous avez apprises sur votre mariage et vous-même. »
Profiter de la vie et célébrer son bonheur ne sont cependant pas les seules occupations de l’ancienne Première Dame américaine. Après tout, la politique fut pour elle un accident de parcours. Car elle avait une vraie vie et une existence toute tracée avant de croiser sur son chemin Barack Obama. Née Michelle LaVaughn Robinson, elle grandit à Chicago (Illinois) dans le quartier pauvre de South Shore. Après des études à l’Université de Princeton (New Jersey) et à la très célèbre faculté de droit de l’Université Harvard (Massachusetts) dont elle sort diplômée en 1988, Michelle Robinson travaille comme avocate au cabinet Sidley Austin dans sa ville natale. Naturellement, elle se fait vite remarquer et devient l’assistante du tout-puissant maire de Chicago, Richard M. Daley. C’est à cette époque qu’elle rencontre Barack Obama, jeune avocat dont elle est à l’origine le mentor et avec lequel elle se marie en 1992.
L’année d’après, elle prend les rênes d’une association à but non lucratif visant à encourager les jeunes à mener des activités sociales. Trois ans plus tard, elle poursuit cette mission en développant le centre de service communautaire en tant que vice-doyenne chargée des services estudiantins à l’Université de Chicago. En 2002, elle devient directrice générale des affaires communautaires de l’hôpital de l’université de Chicago, avant d’accéder, en 2005, au poste de vice-présidente des affaires externes de l’université de médecine de Chicago. Autant dire qu’elle a sacrifié sa carrière pour soutenir celle de son mari et élever leurs enfants Sasha et Malia.
En tant que Première Dame des États-Unis entre 2009 et 2017, elle fut très largement admirée par ses compatriotes, qui ont découvert son intelligence, son charme, son humour, sa fermeté sur les sujets qui lui tiennent à coeur (l’éducation des enfants, le manger sain), son charisme et sa capacité à improviser de brillants discours dans quasiment toutes les circonstances. Il est donc naturel que depuis son départ de la Maison-Blanche, des spéculations soient constantes sur l’hypothèse de son entrée en politique un de ces jours.
Elle se contente d’en sourire, préférant organiser des moments précieux pour sa famille. En juin 2019 par exemple, la famille Obama s’est rendue en vacances dans le Sud de la France pour une semaine. Michelle, Barack et leurs deux filles sont arrivés en jet privé sur le tarmac de l’aéroport d’Avignon et se sont installés dans une maison de maître datant du XVIIIème siècle. C’est une propriété luxueuse de 26 hectares située sur l’île de la Barthelasse et disposant de sept grandes chambres, cuisinier à demeure, huit salles de bain, une piscine et un court de tennis. Prix de la location pour la semaine : 55 000 euros.
Les Obama ont ensuite fait escale chez Amal et George Clooney, sur les bords du lac de Côme, en Italie. Peu avant leur arrivée chez les Clooney, ces derniers ont dû trouver d’extrême urgence un plombier pour résoudre un gros problème de milliardaire : personne dans le staff de la résidence ne parvenait à remplir correctement la piscine de la villa, ni même à assurer une température satisfaisante de l’eau. Dante Penne, un brave plombier inconnu, a été appelé à la rescousse. Il a ensuite confié au quotidien Corriere della Sera : « Je suis arrivé en trombe et je les ai vus dans tous leurs états. Giovanni me mettait la pression pour que je résolve le problème au plus vite. Je leur ai demandé de me laisser travailler dans le calme… » Personne ne lui a révélé l’identité des invités attendus dans la villa. Sécurité oblige. Il a appris quelques jours plus tard qu’il s’agissait des Obama, en lisant les journaux.
Dans ses mémoires-best-seller intitulées sobrement Devenir, Michelle raconte son enfance humble mais heureuse, son parcours et les détails de sa vie de Première Dame. Et de première femme noire à jouer ce rôle devant les caméras et microphones du monde entier ! Son obsession au départ était de protéger ses filles et de tout faire pour ne pas perturber leur développement en tant que jeunes filles. Changer d’école, changer de maison, changer de style de vie, c’est tout de même beaucoup demander à n’importe quelle famille ! « Sans oublier les services secrets, en permanence près de chaque membre de notre famille. Plus aucune liberté ! Chaque geste, chaque mot, étaient analysés par des milliers de personnes ! écrit Michelle. Si le cadre était tout à fait hors norme et magnifique, il y avait de lourdes contreparties. Difficile de trouver une sorte de normalité dans cette nouvelle vie. »
Dans le livre, elle met un point d’honneur à expliquer ses dépenses personnelles et le choix de ses activités, portant beaucoup d’intérêt à des causes humanitaires comme sa lutte contre l’obésité. Ou encore ses nombreuses visites à l’hôpital entourant les soldats blessés qui étaient rentrés d’Afghanistan. « Le chagrin et la résilience avancent main dans la main », écrit-elle pour décrire le courage et la douleur de ces citoyens souvent de familles pauvres qui sont allés jusqu’au sacrifice suprême pour la nation. Michelle met en avant également quelques actions phares du Président Obama, comme l’opération Oussama Ben Laden. Mais l’ouvrage est centré sur les actions de l’ex-Première Dame elle-même, dressant comme l’on pouvait s’y attendre un bilan positif de son travail à la Maison-Blanche.
Plus récemment, l’ex-First Lady a consacré son temps et son énergie à encourager le vote des Américains lors des prochaines élections. Elle voudrait rester une spectatrice engagée, utilisant sa popularité pour mobiliser des franges de l’électorat américain autour des causes qui lui tiennent à coeur. Qui pourrait le lui reprocher ?
Par Suzanne Pearl
Photo couverture: © Séraphine Pingeot