Son nouvel album, « Terrou waar », disponible sur toutes les plateformes detéléchargement depuis le 7 décembre dernier, est un voyage au cœur du Sénégal profond. Et constitue une grand première musicale sur le continent. Depuis sesstudios de Dakar, la « diva à la voix d’or » s’est confiée à Divas. Entretien exclusif.

D’où vous est venue l’inspiration pour ce nouvel album ?

Ce nouvel album est très différent des précédents : « Terrou Waar », ce qui veut dire en wolof « Terroirs », m’a été inspiré par mes sorties et visites de terrain en tant qu’« ambassadrice de bonne volonté » pour les Nations Unies. Ces missions m’ont amenée à silloner le Sénégal des profondeurs pendant deux longues années. J’ai pu y rencontrer des hommes et des femmes merveilleux, découvrir des cultures, voire des situations de vie difficiles et m’en imprégner pour essayer d’apporter ma contribution et trouver des solutions.

À chaque fois que j’arrivais dans un village, les gens chantaient et dansaient pour m’accueillir. En découvrant ces chants, ces rythmes et ces danses, je me suis rendu compte de la richesse de l’Afrique. Car toutes ces chansons n’étaient pas empruntées à d’autres continents, mais étaient bien de chez nous, de notre « terroir ». C’est une sorte de promotion de notre folklore national, une manière de dire que l’Afrique n’a pas besoin d’aller copier ce qui se fait ailleurs. Notre culture est riche, vaste, pure et profonde.

Vingt ans après « Pata Pata », ce sera un nouveau succès international…

Je l’espère… Mais, entre temps, j’en ai sorti plus d’une dizaine. Ce nouvel opus marque un retour aux sources, que ce soit dans les textes, le rythme, la tonalité, l’émotion ou même la façon de chanter. J’ai voulu rendre hommage à toute l’Afrique en faisant ce voyage à travers les spécificités culturelles et traditionnelles du Sénégal, et mettre à l’honneur notre folklore national. C’est un album de douze titres, mais je n’interprète que deux chansons en wolof. Toutes les autres proviennent de différentes ethnies.

J’ai visité la Casamance et j’ai chanté Rokale, ce qui veut dire en diolas « Travaillons ! », pour saluer le dur labeur des locaux. Et j’ai été à la rencontre des Sérères avec une chanson traditionnelle pour le Sine Salloun, des Pulars, etc. C’est vous dire la diversité culturelle de cet album unique en son genre. C’est la force de la musique : réunir les hommes et les femmes de diverses couches sociales, couleurs et religions. Mon précédent album est sorti il y a déjà quatre ans. Aussi mes fans attendaient-ils celui-ci avec impatience : quatre ans, c’est long.

Sa sortie a-t-elle un lien avec la campagne pour la présidentielle de février prochain ?

Aucun, car ce n’est pas un album politique même si les sujets qui y sont abordés s’y prêtent. C’est la première fois au Sénégal – et peut-être même dans toute l’Afrique – qu’on entend dans le même album des titres chantés dans autant de dialectes distincts. Qu’y a-t-il de mieux ? Cela nous rappelle que le « Pays de la Teranga » est un et indivisible. Ma chanson Sounou Sénégal (« Notre Sénégal ») nous invite à la paix et à la mobilisation autour de l’essentiel. Et l’essentiel, pour moi, c’est de donner la priorité à l’éducation et à la santé, donner la priorité à l’union pour qu’une seule chose soit au-dessus de nous tous : le drapeau du Sénégal. J’appelle nos autorités politiques à penser davantage à la population sénégalaise et au bien commun.

On connaît votre engagement auprès des femmes et des enfants. Pouvez-vous nous en parler ?

La Fondation « Lumière pour l’enfance » est une association humanitaire que j’ai créée en 1990 pour mettre du baume au cœur des enfants vulnérables. J’ai voulu m’investir dans des domaines prioritaires pour le développement économique et social : la santé, l’éducation et, particulièrement, la scolarisation des filles. À travers mes actions d’artiste engagée, je veux parler de ce qui me tient à cœur comme l’autonomisation des femmes au Sahel. Le développement de l’entreprenariat et du leadership féminins me paraît aujourd’hui primordial. Les femmes ont besoin qu’on leur donne plus de place dans la société et de siéger par exemple dans les grandes instances de décision. Pour y arriver, il est important que, dès le bas âge, on emmène les petites filles à l’école. Qu’on les inscrive et qu’on les y laisse. Qu’on ne les marie pas prématurément ou de force car c’est bien souvent ce qui se passe en Afrique, où les petites filles sont mariées à 12, 13 ou 14 ans !

Elles sont alors obligées de quitter l’école pour aller jouer leur « rôle » d’épouses alors qu’elles ne sont encore que des enfants. Elles tombent parfois enceintes et peuvent en mourir. Ou – pire encore – finissent dans des centres de santé, victimes de fistules obstétricales car elles n’ont pu accoucher dans de bonnes conditions. Et elles y restent des années et des années, abandonnées à elles-mêmes et oubliées par la société.

Mon combat, c’est aussi de dénoncer les mutilations génitales féminines et de sensibiliser les parents afin qu’ils ne fassent pas exciser leurs filles car c’est bafouer leurs droits les plus élémentaires, c’est enfreindre leur bonheur de futures femmes.

« Nous avons besoin d’une jeunesse consciente, debout et saine, prête à aller au combat en étudiant convenablement et en travaillant dur pour bâtir l’Afrique de demain. »

Vous tenez également un discours courageux sur les migrations…

Mon implication au côté de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) m’amène à faire des visites de terrain un peu partout pour sensibiliser sur les risques de la migration irrégulière. Pour moi, l’une des plus grandes richesses de l’Afrique, c’est sa jeunesse et, si cette jeunesse part, on se demande bien qui va rester. Si les jeunes quittent nos pays, l’Afrique va droit dans le mur. Je ne cesse de parler aux jeunes pour leur faire comprendre que c’est à eux de changer le continent. S’il y a des choses qui ne leur plaisent pas, cela ne sert à rien de partir. Il faut au contraire rester et se battre. Nous avons besoin d’une jeunesse consciente, debout et saine, prête à aller au combat en étudiant convenablement et en travaillant dur pour bâtir l’Afrique de demain. C’est à nous autres, Africains, de le faire car personne d’autre ne viendra le faire à notre place.

Artiste, philanthrope et, désormais, femme de médias… Parlez-nous de la radio que vous avez lancée il y a deux ans ?

J’ai fondé le Groupe GO Média (Gawlo Office Media) le 2 mars 2016. Je suis la première femme à avoir monté un groupe de presse au Sénégal avec une radio thématique FEM fm, qui est la radio des Femmes, des Enfants et de la Musique sur 87.9 de la bande FM. C’est une autre façon de défendre les valeurs auxquelles je crois. Nous avons également un portail d’informations, GO Dakar, très visité, et avons en gestation une chaîne de télévision, à laquelle nous travaillons. Nous avons ainsi déjà créé une soixantaine d’emplois.

Avez-vous un message à l’adresse de vos sœurs africaines en cette fin d’année ?

Je les invite à être debout, à continuer de croire en elles, à ne jamais laisser quiconque leur faire douter d’elles-mêmes ou leur dire qu’elles doivent rester derrière. L’avenir de l’Afrique est entre leurs mains parce qu’elles sont mères et donnent la vie. J’invite les parents et surtout les mères à inscrire leurs filles à l’école. Les petites filles ne doivent pas être mariées de force car la place d’une petite fille ce n’est pas dans un ménage, mais à l’école !

Propos recueillis par Bruno Fanucchi, envoyé spécial à Dakar