Née en France, Diariatou Kebe est maman d’un garçon de 9 ans qui, sans le vouloir, a fait d’elle une ardente militante de la diversité. À la tête de son association Divéka, elle milite pour plus de représentation des enfants noirs dans l’univers jeunesse.

Petite déjà, comme beaucoup d’autres enfants noirs, ou plus largement non-blancs, Diariatou avait remarqué que peu de personnages de fiction, à la télé comme dans les livres, lui ressemblaient. Elle pensait qu’avec le temps, les choses évolueraient. Elle s’était trompée.

Combler un manque

Lorsqu’elle tombe enceinte de son premier enfant, Diariatou s’intéresse comme de nombreuses futures mamans à la littérature consacrée à la maternité. En se baladant dans les rayons consacrés à ces livres, elle fait un douloureux constat : elle est invisible. Nulle part elle n’est représentée. En France, la maternité et la grossesse ne sont incarnées que par des femmes et des bébés blancs. Pour évoquer ce manque et tenter de le combler, elle crée le blog Clumsy Mummy où elle évoque avec ses lectrices ses questionnements de jeune mère. « Toutes les questions que je me posais enceinte, toutes les frustrations que je ressentais à me voir oubliée des professionnels de ce secteur de la maternité et de la grossesse, ont servi de base à mon blog », confie-t-elle.

Une sincérité et une authenticité qui plaisent. Le succès du blog et des réseaux sociaux qui lui sont rattachés est tel que Diariatou Kebe est repérée par une maison d’édition. Les textes du blog sont repris et complétés par quelques inédits. Voilà comment elle devient l’auteure de Maman noire et invisible (2015, Éditions La Boîte à Pandore).

Divéka, le temps de l’action

Après la naissance de son fils, Diariatou réalise que le problème se pose aussi pour les tout-petits : un manque cruel de diversité dans la littérature jeunesse et tout l’univers ludo-éducatif, pas de livres en tissu avec des personnages noirs, sur les boîtes de jeux d’éveil, de société ou vidéos, idem pour les couvertures de DVD. Dans toute la production autour de l’enfance, les personnages sont blancs par défaut. C’est une « norme » contre laquelle Diariatou entend bien lutter pour qu’enfin, tous les enfants puissent se retrouver dans l’univers jeunesse.

Si tout a commencé par des partages avec d’autres mères confrontées au même problème, le déclic est venu d’une campagne américaine « We need diverses books » qui l’a énormément inspirée. Avec l’argent de la vente de son livre, elle crée alors Divéka, une association pour la promotion de la production culturelle autour des enfants. Divéka organise des rencontres, ce qui permet aux parents concernés par cette problématique de s’y retrouver et d’échanger sur leurs vécus.

Depuis sa création, l’association n’a pas chômé et a proposé différents événements au public. Il y a eu la première édition du Festival Divéka, la Masterclass « Écrire des personnages racisés » avec l’écrivaine Laura Nsafou, et une rencontre sur le thème « Parler de l’esclavage aux enfants », pour ne citer que ces événements-là.

Pour la fin 2019 et le début 2020, Divéka a plusieurs projets en vue dont une étude fiable sur les publications jeunesse pour attester du manque de diversité, chiffres à l’appui. Elle envisage également un rapprochement avec les institutions notamment pour la formation de bibliothécaires, ainsi qu’une collaboration avec le Salon du Livre Jeunesse de Montreuil. Divéka travaille en outre sur la mise en place de comités de lectures pour guider les parents, un podcast et une chaîne YouTube avec des interviews d’auteurs. Tout un programme…

Par Lize Moudouthe