L’écologie et la « ville durable » sont à la mode, mais bien peu se démènent en Afrique comme Yeyette Ibinga Itsitsa pour obtenir des résultats concrets susceptibles de changer la vie des populations et des quartiers. PDG d’une société spécialisée dans l’assainissement écologique, cette Gabonaise donne le bon exemple. Et son parcours est une belle histoire !

Mère de cinq enfants, Yeyette Ibinga Itsitsa est, à 42 ans, une de ces Gabonaises dynamiques qui prennent le taureau par les cornes pour innover et booster la machine économique de leur pays.

Écolo et patriote

Rescapée en 2008 d’un très grave accident – sa voiture a fait une sortie de route et plus de cinq tonneaux –, Yeyette revient de loin. Ce miracle n’a fait que renforcer la détermination de cette passionnée de l’écologie : « J’aime mon pays et je m’engage pour son développement économique », assure-t-elle d’emblée comme une véritable profession de foi.

Pour elle, l’écologie n’est pas qu’un thème à la mode qu’on aborde pour frimer dans les dîners mondains. « Tout le monde parle aujourd’hui de la ville propre et de la ville durable – ce sera même le thème du prochain Sommet Afrique-France qui se déroulera en juin 2020 à Bordeaux – mais bien peu se retroussent les manches », observe-t-elle. Yeyette, elle, n’a pas hésité à mettre la main à la pâte pour tenter de changer à la fois la vie quotidienne de ses concitoyens et l’image de son pays. Une aventure qui mérite d’être contée.

Femme de terrain

Tout a commencé il y a plus de quinze ans. « Après bien des déboires et des échecs, je ne voulais plus vivre au Gabon et j’ai décidé de quitter le pays en 2003 pour la Guinée équatoriale. Mais, au bout de six mois, je suis revenue au pays et j’ai commencé à travailler dans une société privée qui luttait contre l’insalubrité dans les quartiers. En partenariat avec la mairie de Libreville, on a créé en 2005 la Brigade de salubrité publique : on parcourait toute la capitale à pied pour sensibiliser les populations, contrôler et verbaliser si nécessaire ».

« Puis en mars 2010, j’ai créé avec deux associés ma propre société SMG (Société Mourembou Gabon II), dont je suis le PDG. Mourembou, qui est le nom d’un lieu-dit de ma région natale de Ndendé (dans le sud du Gabon), signifie en langue ipunu l’amour du prochain, l’entraide ». Tout un programme…« En 2015, j’ai été à Washington pour représenter mon entreprise et trouver des bailleurs de fonds. Car si nous étions une trentaine au début, aujourd’hui nous sommes 133 ! Nous assurons la pré-collecte des ordures ménagères – avec distribution de sacs à ordures dans les quartiers –, l’entretien des espaces verts et le curage des caniveaux publics ».

De grandes ambitions

Fière de ses origines, Yeyette s’investit autant dans la capitale que dans son terroir : « Ma société intervient dans Libreville et dans la région de Ndendé où je viens par ailleurs d’acquérir deux cents hectares de forêt pour ajouter une branche agricole à mes activités. Je vais y planter du sésame et des arbres fruitiers pour faire revivre et transformer le village de Mourembou. Pour me diversifier, j’ai aussi commencé à louer des débroussailleuses en signant des contrats avec des particuliers et suis toujours à la recherche de nouveaux financements ».

Notre entrepreneuse touche-à-tout est aussi membre de la Chambre de Commerce de Libreville et « experte Métiers » cooptée par l’ambassade de France. Officiellement fonctionnaire en qualité d’agent technique en informatique au ministère de la Culture, au sein duquel elle est notamment responsable de la Journée nationale du Drapeau, qui se célèbre tous les 9 août au Gabon, Yeyette n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. « Mon rêve, confie-t-elle, c’est de devenir une femme politique et – qui sait ?  d’être un jour député ou ministre pour mettre mes compétences et mon expérience au service de mes compatriotes ».

La jeune femme, qui a connu bien des épreuves par le passé, est résolue à prendre sa revanche et à s’en donner les moyens. Sans griller les étapes pour autant : « C’est un long combat, surtout quand on n’est pas née dans une grande famille du Gabon, mais c’est un combat qui me plaît et je ne renoncerai pas ».

De notre envoyé spécial à Libreville, Bruno Fanucchi / Photo Jacques Naismith