C’est devant un parterre de personnalités du cinéma et de la politique que la réalisatrice d’origine martiniquaise Euzhan Palcy, a reçu le 3 mai dans les salons de l’Hôtel de Lassay, la Médaille d’or de l’Assemblée nationale. Cet hommage intervient quelques mois après sa consécration à Hollywood où elle recevait à Los Angeles en novembre dernier des mains de l’actrice américaine Viola Davis un Oscar d’honneur pour sa carrière, devenant ainsi la deuxième Française après Agnès Varda en 2017 à obtenir cette distinction. 

« La France a la fâcheuse tendance d’oublier ses talents ». C’est par ces mots que la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a débuté son discours. Cette reconnaissance intervient à la demande de Jiovanny William député de la 1ère Circonscription de Martinique et originaire du Gros Morne comme Euzhan Palcy. Au mois de novembre 2022, la réalisatrice française était honorée par la prestigieuse Academy of Motion Picture Arts and Sciences récompense son inlassable combat cinématographique contre le racisme devenu une source d’inspiration pour toute une génération de cinéastes et de comédiens afro-descendants français et américains marqués par ses inoubliables films comme Rue Cases-Nègres en 1983 ou Une saison blanche et sèche, adaptation hollywoodienne du roman d’André Blink en 1989. Ils étaient donc nombreux ce mercredi 03 mai dans les salons de l’Hôtel de Lassey, Rahmatou Keita, Firmine Richard, Joe Starr, le flutiste Max Cilla, Aïssa Maïa entre autres, venus rendre hommage à cette grande dame du cinéma.

Rahmatou Keita, Jean-Philippe Nilor député de la Martinique et Euzhan palcy © Divas Magazine

« Mes frères et sœurs nègres brillaient par leur absence »

Cette phrase choc prononcée par Euzhan Palcy pendant son discours, rappelle combien le chemin fut long pour les artistes afro descendants.

Le mot Nègre elle le revendique même si elle comprend qu’il puisque choquer de nos jours. En devenant une des pionnières, la réalisatrice a rappelé sa passion pour le cinéma, et l’importance pour les Noirs de se voir incarner à l’écran dans des rôle qui ne sont ni des stéréotypes ni dévalorisants. Née en Martinique en 1958, Euzhan Palcy a grandi dans une famille d’enseignants qui ont encouragé son amour pour le cinéma. Après des études de littérature et de cinéma à Paris elle retourne en Martinique pour y réaliser La Messagère en 1975, une fiction télévisée, de manière totalement autodidacte. De retour en France, elle poursuit ses études à l’École Louis Lumière, et en 1981, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), lui attribue l’avance sur recettes faisant d’elle la première cinéaste originaire des Antilles à en bénéficier. 

Euzhan Palcy avec Max Cilla © Divas Magazine

C’est grâce à Michel Loulergue, un publicitaire, et Claude Nedjar distributeur qu’elle monte son projet, et la somme nécessaire au bouclage du budget auprès d’Aimé Césaire, son mentor maire de Fort-de-France. En 1983 elle réalise enfin son premier long métrage, Rue Cases-Nègres, adapté du roman autobiographique de Joseph Zobel, son livre de chevet. Le film, César de la meilleure première œuvre en 1984, suit les aventures d’un jeune garçon noir prénommé José, 11 ans, orphelin élevé par sa grand-mère, et nous plonge dans le quotidien des ouvriers de l’industrie sucrière de la Martinique des années 30. La grand-mère M’an Tine interprétée par Darling Légitimus veut éviter à son petit-fils de finir dans les champs de cannes à sucre, et le pousse à étudier au collège, ainsi que son instituteur qui l’aide à accéder au lycée. Le film remporte de nombreux prix internationaux, dont le Lion d’argent au Festival de Venise, faisant de la Martiniquaise la première réalisatrice noire à remporter un prix à ce festival. Euzhan Palcy a ensuite travaillé à Hollywood, et devient la première et seule femme à faire tourner Marlon Brando en 1989 dans A Dry White Season, (Une saison blanche et sèche) avec comme partenaires Donald Sutherland et Susan Sarandon. Ce drame politique adapté du roman de André Brink, explore l’apartheid en Afrique du Sud, et fut tourné pendant les années de captivité de Nelson Mandela.

Euzhan Palcy a également été faite officier de l’ordre national du Mérite en 2009 et officier de la Légion d’honneur en 2018 par le l’État français pour sa contribution à l’industrie du cinéma. En 2022, La réalisatrice martiniquaise a reçu la médaille d’honneur de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) remise par Jean-Xavier de Lestrade, président du conseil d’administration. Le 19 novembre elle recevait à Los Angeles, un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, devenant ainsi la deuxième Française après Agnès Varda en 2017 à obtenir cette distinction.