Après deux premiers EPs, Whispering en 2020 et Morning Rain en 2021, Maë Defays dévoile son tout premier album soul jazz intitulé « A deeper ocean », un superbe melting pot rythmique et harmonique. On embarque dans ce beau voyage sans frontières où l’artiste qui a composé la plupart des titres, exprime sa sensibilité tout en se penchant sur les enjeux climatiques de notre époque.

 

Mae Defays. @ Alexandre Lacombe

Pouvez-vous revenir sur l’écriture de votre premier album « A deeper ocean » ?

J’ai écrit mon album entre 2020 et 2022 pendant les périodes de confinement durant lesquelles il était difficile de se projeter dans le futur en tant qu’artiste car on ne savait pas quand on pourrait rejouer en public. Il était aussi difficile de trouver l’inspiration sans pouvoir bouger des quatre murs de sa chambre. J’ai donc choisi de m’inspirer de l’océan comme d’une source infinie de possibilités et d’histoires à raconter. La Guadeloupe et les voyages me manquaient alors j’ai essayé d’écrire une musique solaire qui invite au voyage parce que j’avais besoin d’escapade. Je voulais aussi parler de l’anxiété liée au changement climatique et aux transformations de notre société, car cette période de crise m’a fait réaliser les vrais enjeux futurs qui concernent ma génération.

Sur votre berceau, se sont penchés de très illustres aînés, qui vous ont nourri de musique, de danse et de cinéma. Désormais, vos talents de chanteuse, musicienne et danseuse s’expriment sur les scènes et subliment les clips qui illustrent votre album. On a adoré l’esthétique léchée de « Mangrove», un clip visuellement très abouti. Racontez-nous ce tournage, ce décor, cette chorégraphie ?

Pour illustrer cet album qui évoque l’océan, les paysages tropicaux et s’inspire sur certains titres de rythmiques afro-caribéennes, je ne voulais pas tourner mes clips à Paris où je réside. J’ai choisi d’aller en Guadeloupe avec une petite équipe de huit personnes dont la chorégraphe Mathilde Villard. Nous avons tourné cinq clips dont MangroveHigh Tide et A deeper Ocean avec pour décor les paysages guadeloupéens, ses mangroves, ses forêts, ses rivières, les abords du volcan La Soufrière, ses plages, ses falaises… Je suis très fière de pouvoir montrer la pluralité des paysages de mon île. 

J’ai travaillé avec des danseurs talentueux sur place ainsi qu’une partie de l’équipe technique et des créateurs de bijoux et vêtements locaux. Dans mon dernier clip “A Deeper Ocean” (sortie le 26 janvier) j’intègre des symboles culturels guadeloupéens comme les fouettards du carnaval, une improvisation au tambour Ka ainsi qu’un passage de danse traditionnelle Gwo Ka. Je voulais créer un projet original car peu de gens connaissent bien la Guadeloupe et sa culture, surtout associée à mon genre musical plutôt hybride entre soul, RnB et jazz et en anglais je me suis dis que je pourrais faire découvrir la Guadeloupe à un public nouveau et m’inspirer de cette île dont je suis originaire comme une vraie force et une caractéristique de mon identité.

Vous êtes souvent accompagnée de musiciennes, telle la pianiste Clélya Abraham que vous avez rencontré au CMDL (Centre des musiques Didier Lockwood), parlez-nous de cette rencontre, de cette collaboration ?

Oui Clélya et moi sommes devenues amies pendant nos études au CMDL puis elle a rejoint mon groupe sur scène de 2018 à 2022 et elle a enregistré sur mes 2 premiers EPs. J’ai aussi créé un trio féminin en 2021-2022 avec elle et Camille Bigeault à la batterie. J’ai rencontré de supers musicien.es dans cette école et je continue d’être accompagnée sur scène par des gens avec qui j’ai étudié que ce soit au CMDL ou au Conservatoire à Paris. À présent je joue avec une équipe mixte mais je suis très heureuse de pouvoir collaborer avec des musiciennes car la visibilité des femmes dans la musique est encore faible et j’ai moi même été inspirée pour devenir compositrice et instrumentiste grâce à des artistes comme Alicia Keys ou Esperanza Spalding qui jouent d’un instrument et composent leurs chansons donc je trouve ça important de pouvoir montrer que les femmes peuvent être leader de groupes, cheffes d’orchestre classiques ou encore guitariste de rock, il n’y a pas de limites !

Qui sont les artistes que vous admirez aujourd’hui ?

Les artistes actuels que j’admire sont nombreux, j’écoute beaucoup de styles différents et de musique du monde entier : la scène soul/rnb/jazz d’Angleterre et USA (Ari Lennox, Lianne la Havas, Tom Misch, Janelle Monae, H.E.R…), dans les autres pays Fatoumata Diawara, Mayra Andrade, Gilsons (les fils de Gilberto Gil), le groupe australien Hiatus Kaiyote…

Avec qui aimeriez-vous collaborer ?

Cela me plairait de collaborer avec des artistes internationaux, le chanteur saxophoniste Masego aux USA, les frères Gilsons au Brésil, ou d’autres artistes caribéens qui mélangent les genres comme Fényan, un pianiste producteur martiniquais que j’ai découvert récemment.

On trouve qui dans votre playlist actuelle ?

On trouve les artistes actuels que j’ai évoqués, mais aussi des classiques du jazz comme Ella Fitzgerald, Sinatra, Wayne Shorter ou Melody Gardot. Des artistes phares de la musique antillaise comme Edith Lefel et Mario Canonge et de la Musica Popular Brasileira (Gilberto Gil, Djavan, Gal Costa…).

Enfin, que conseilleriez-vous à une jeune femme qui veut se lancer dans la musique, vous qui êtes très active sur les réseaux sociaux ?

Je lui conseillerais de faire ce qu’elle a envie et ce qui l’inspire sans essayer de copier quelqu’un ou de plaire à un certain public. Sur les réseaux il faut savoir partager ses choix et ne pas se forcer à correspondre aux trends ou aux challenges car nous sommes des artistes avant d’être des influenceurs. Tout notre contenu doit pouvoir représenter notre identité artistique et ça ne sert à rien de vouloir plaire à tout le monde et d’adapter son contenu au mode qui régissent les réseaux sociaux. Quand je fais des covers je ne m’oblige pas à reprendre le dernier titre à la mode je fais ce qui me plait même si c’est un titre qui a 20 ans ou plus.