GERTY CURIER Ma plus belle cure de chimiothérapie, c’est l’Amour que j’ai reçu des personnes qui m’aiment
par Lise-Marie Ranner-Luxin
Photos : Bernard Boucard
Gerty Curier 57 ans, originaire de la Guadeloupe et mère de deux enfants, Marvin 29 ans et Mélodie 24 ans, nous apporte son témoignage et sa résilience face à la maladie. Pendant une trentaine d’années, elle a exercé le métier de comptable à Paris, tout en faisant du sport dans un grand club parisien, où elle a côtoyé des athlètes de haut niveau « pour se challenger » dit-elle. Mais un accident dans le métro, en 2014, l’immobilise pendant deux ans, et lui vaut une reconnaissance de travailleur en situation de handicap. Deux années plus tard, la veille de Noël, sa gynécologue l’appelle et lui annonce la terrible nouvelle. « Ce cancer s’est introduit violemment dans ma vie » dit-elle. « J’ai passé un cap difficile et compliqué. Tumorectomie, chimiothérapie, radiothérapie ont rythmé mon quotidien pendant 14 mois. Mais ma plus belle cure de chimiothérapie, c’est L’AMOUR que j’ai reçu des personnes qui m’aiment ». Elle ajoute dans sa langue créole : « Bondyé pa ka ban nou on chaj ki two fò pou nou » (Dieu ne nous donne pas d’épreuves trop lourdes à affronter). Après cette éprouvante expérience, en février 2019, Gerty Curier fait le choix de s’installer en Guadeloupe, sa Terre natale. « J’ai été soignée à Paris, je suis venue me guérir ici chez moi ».
Divas. Quelle a été votre réaction à l’annonce de votre cancer ?
Gerty Curier. C’est ma gynécologue qui m’a annoncé la nouvelle à Noël 2016 par téléphone car il fallait aller très vite (elle partait à la retraite le lendemain). Mais elle a été bienveillante lors de l’annonce. J’avoue que je n’y ai pas cru sur le coup. Je me suis dit qu’elle avait dû se tromper de patiente. Deux heures plus tard, lors de nos échanges dans son cabinet, j’ai compris que c’était une situation grave et j’étais dévastée.
Divas. Comment l’avez-vous annoncé à vos proches ?
G. C. J’ai passé les fêtes de Noël en famille, sans rien dire à mes proches, seules 3 personnes de mon entourage étaient au courant. J’ai demandé conseil à une amie psychologue, qui m’a dit qu’il n’y avait pas de bons moyens pour l’annoncer et que je devais le faire quand je m’en sentirais prête. À mes enfants âgés de 17 et 22 ans à l’époque, je l’ai annoncé le 30 décembre, avant le jour de l’An car j’appréhendais les souhaits du Nouvel An. Il y a eu beaucoup de larmes et de craintes, mais je les ai rassurés en leur disant que j’allais gagner cette bataille et que pour cela j’avais besoin de leur soutien. Aux autres membres de la famille, je l’ai annoncé très rapidement en début d’année.
Divas. Est-ce facile de communiquer sur une maladie grave comme le cancer ?
G. C. Lors de l’annonce je suis passée par différentes phases : le déni, la peur, une colère maîtrisée (pourquoi moi ?) et du stress. Au départ j’en ai parlé assez rapidement avec mes ami.e.s et ma famille proche. J’ai souffert de l’abandon de certaines personnes de mon entourage. Puis j’ai accepté de me mettre à nu lors de l’exposition photos qui était une forme de thérapie. Il était important pour moi de témoigner, ouvrir la voie, de parler de mon vécu, afin d’aider les autres femmes. Pour moi c’est une RENAISSANCE.
Divas. Qui vous a aidée dans votre entourage ?
G. C. J’ai été très soutenue dans cette épreuve par ma famille qui était loin de moi, mais surtout par des ami.e.s très proches, les soignants et une association de femmes atteintes de cancer. D’ailleurs à l’occasion d’Octobre Rose nous étions 17 femmes Amazones à avoir accepté de participer à une magnifique exposition photos avec de grands photographes caribéens, où on découvrait nos corps mutilés et les cicatrices après la chirurgie afin de montrer la beauté de la femme malgré cette douloureuse épreuve. Toutes ces personnes ont été bienveillantes et je les en remercie. Comme j’aime à dire, ma plus belle cure de chimiothérapie, c’est l’amour que j’ai reçu. Il est très important d’être entourée de belles énergies dans cette douloureuse épreuve.
Divas. Qu’est-ce que la maladie a changé dans votre quotidien ?
G. C. Aujourd’hui, je ne suis plus la même personne, je suis devenue la meilleure version de moi-même. (Rires) J’ai quitté ma vie parisienne, mon travail et me suis installée en Guadeloupe où j’accompagne des femmes qui traversent l’ouragan d’un cancer. Je me suis débarrassée de tout ce qui pouvait être toxique pour moi. J’ai changé radicalement ma conception de la vie. Je vais à l’essentiel. J’ai aussi changé mon alimentation, je continue à faire du sport car c’est très important pour le mental, et éviter toutes formes de récidives.
Divas. Quels sont les effets secondaires du traitement ?
G. C. Le choix de mes traitements avait été pris lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire entre la chirurgienne, les oncologues qui avaient établi mon protocole de soins. Ces traitements étaient adaptés à mon cas personnel. J’ai été opérée 3 semaines après l’annonce, dans un hôpital parisien puis j’ai commencé la chimiothérapie. Les effets secondaires de la chimiothérapie et de la radiothérapie étaient variables. J’avais des nausées deux jours après la perfusion et très peu de vomissements, des aphtes à la bouche beaucoup plus désagréables. j’ai perdu mes cheveux, mes cils, mes sourcils et les poils pubiens. J’étais très fatiguée car je devais me rendre à l’hôpital tous les jours pour la radiothérapie et je mangeais peu. Encore aujourd’hui, j’ai le syndrome main-pied, ce sont des brûlures de la plante de mes pieds.
Divas. Quels conseils donneriez-vous aux femmes touchées par la maladie ?
G. C. C’est une épreuve difficile certes, mais pas insurmontable. Informez-vous, n’hésitez pas à poser des questions à vos médecins.
N’ayez pas peur d’exprimer vos émotions, vos inquiétudes, vos peurs…
Vous devez prendre soin de vous, vous ménager et surtout vous chouchouter.
Divas. Comment se passe le dépistage aux Antilles françaises ?
G. C. Sur le territoire de la Guadeloupe, tout comme en France hexagonale, le dépistage organisé du cancer du sein s’adresse à toutes les femmes de 50 à 74 ans. La mammographie et l’examen clinique sont pris en charge à 100 % et sont sans risque. Ces examens sont recommandés tous les deux ans. Malheureusement, encore trop peu de femmes répondent favorablement aux actions de ce dépistage organisé. C’est un sujet encore tabou chez nous… La culture du secret.
Divas. Pourquoi avez-vous accepté de témoigner ?
G. C. Il est important pour moi de témoigner, ouvrir la voie, montrer le chemin, et transmettre mon vécu à des femmes qui traversent l’ouragan d’un cancer. À 55 ans j’ai décidé de faire une reconversion professionnelle, j’ai entamé une formation longue afin de travailler dans le milieu médical. Le cancer est un message, un véritable mode d’emploi pour passer de la survie à la vie. Aujourd’hui, je savoure chaque instant.